Sep 22, 2012 | Articles, Fil d'Ariane, Publications
Par Alexandre Bohas
Published in Global Society review
Abstract
This article deals with the seeming paradox of a lasting American power and a global anti-americanism, which brings into question the relevance of the concept of soft power. Indeed, discontent over the current hegemon does not affect the consumption of its goods and the diffusion of its symbols. The contradiction results from the state-centric perspective of traditional scholars which do not shed light on the diverse aspects of American supremacy. In addition, Nye’s notion of soft power does not stress the shaping of foreign societies by non-state actors and thus their important role in American predominance. As a consequence, the concept of soft power will be revised in order to reduce its ‘shallowness’ and highlight the constraining aspect of today’s prominent power.
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Sep 15, 2012 | Biens Publics Mondiaux, Culture, ONU, Passage au crible
Wikipedia
Par Alexandre Bohas
Passage au crible n°74
Le saccage des mausolées musulmans perpétré au Mali en 2012 par des extrémistes religieux a soulevé une consternation d’ampleur mondiale. Après cette unanimité non suivie d’effet, il importe d’examiner la spécificité des biens communs d’ordre culturel qui exige une gouvernance renouvelée.
> Rappel historique
> Cadrage théorique
> Analyse
> Références
Rappel historique
Le 4 mai 2012 les tombes de Tombouctou – classées par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité – sont détruites par des islamistes qui jugent les cultes de saints musulmans contraires à l’islam fondamentaliste dont ils se réclament. Ces exactions se sont poursuivies malgré la déclaration de ces monuments comme sites en péril et la condamnation de ces actes par de nombreux pays et organisations internationales telles que l’UNESCO ou la Cour Pénale Internationale.
Rappelons que le Nord Mali, comprenant les villes de Gao, Tombouctou et Kidal, est occupé depuis plusieurs mois par des bandes armées, qui sont entrées en rébellion le 17 janvier 2012. Ces dernières se composaient d’une alliance hétéroclite de mouvements islamiques, tels qu’Ansar Eddine, AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique), et le MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest), ainsi que des touaregs du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad), évincés de cette coalition peu après.
Pour réaliser leur conquête territoriale, les rebelles se sont appuyés sur les revendications particularistes des populations autochtones et les revenus du commerce illicite combinés au vide étatique dans la région et au chaos régnant en Libye. Ils ont ensuite pu rapidement progresser grâce à la désorganisation et aux mutineries au sein des forces gouvernementales de Bamako.
Cadrage théorique
La particularité de certains biens communs (global commons). Contrairement aux biens publics mondiaux, ils peuvent faire l’objet de rivalités et se caractérisent par leur non-exclusivité. Avec le processus de globalisation, ils recouvrent de plus en plus de domaines dont celui du culturel où ils sont doublement menacés. Tout d’abord, ils subissent des comportements de « passager clandestin» (Mancur Olson) et des logiques sous-optimales d’intérêts propres (Garrett Hardin). Comme témoignage d’une diversité culturelle et manifestation d’une communauté universelle en devenir, ils symbolisent une vision du monde que ne partagent pas nombre d’acteurs économiques, sociaux et religieux et auxquels ceux-ci s’opposent.
L’inadéquation des institutions à l’heure post-westphalienne. Les organisations internationales se trouvent obsolètes à l’heure « post-westphalienne » (Richard Falk). Le processus de mondialisation qui ébranle actuellement le système étatique établi par les traités de Westphalie (1648), entraîne une compression de l’espace-temps (David Harvey), une interconnexion toujours plus accrue (David Held), une dissémination de l’autorité (Susan Strange) en même temps qu’une pluralisation des sphères et des acteurs mondiaux (Philip Cerny). La prépondérance de violences non-étatiques et identitaires ainsi que l’émergence de territoires échappant à toute structure politique témoignent de l’incapacité interétatique à résoudre les problématiques mondiales. Autant dire qu’elle rend caduques l’ensemble des instances fondées sur les États souverains.
Analyse
Présupposant l’existence d’une proto-communauté d’ordre planétaire, les théoriciens des Relations Internationales ont envisagé de manière formelle des mécanismes institutionnels et juridiques en vue d’une gouvernance globale (David Held). À cet égard, les biens communs de type culturel renvoient à la définition substantielle de cette dernière. Aussi, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, adoptée le 16 novembre 1972 sous l’égide de l’UNESCO, reconnaît-elle « l’intérêt exceptionnel qui nécessite la préservation [de certains biens] en tant qu’élément du patrimoine mondial de l’humanité tout entière [et] l’importance que présente, pour tous les peuples du monde, la sauvegarde de ces biens uniques et irremplaçables à quelque peuple qu’ils appartiennent »1. En mars 2012, ont été décomptés 189 Etats l’ayant ratifiée ainsi que 774 artefacts classés dans cette liste. Le Comité ad hoc mentionne dans sa Stratégie Globale qu’il souhaite un classement reflétant davantage « la diversité des trésors culturels […] de notre monde […] reconnaisse et protège les sites qui sont des preuves exceptionnelles des interactions […] entre les êtres humains, de la coexistence culturelle, de la spiritualité et de l’expression créatrice »2. Ainsi, cette politique patrimoniale induit-elle une reconnaissance de valeurs universelles et d’un bien commun à l’échelle humaine. Cependant, les transformations intégratrices s’accompagnent d’une fragmentation qui provoque le retour de logiques manichéennes et de crispations identitaires et religieuses. La folie destructrice manifestée à Tombouctou, « la ville des 333 saints », en donne une illustration.
Chargés d’« assurer l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel », les États occupent un rôle central pour traiter de questions pleinement mondiales3. Cette vision stato-centrée se fonde sur l’hypothèse réaliste qu’ils demeurent capables et légitimes pour résoudre ces enjeux. Or, de nos jours, ce cadre théorique apparaît dépassé tant la dimension non-étatique des relations internationales a été mise en évidence. En l’occurrence, le failed State malien se trouve emblématique de territoires où une myriade de réseaux incontrôlables de tous ordres, économiques, criminels et religieux reste enchevêtrée dans des commerces de marchandises licites et illicites, de contrebandes, et de migrations clandestines.
Nous constatons par conséquent le relatif échec des interventions étatiques. En effet, les alertes de l’UNESCO sur la dégradation de certains monuments se multiplient tandis que les mobilisations contre la destruction imminente de sites demeurent vaines. Outre le cas du Mali, citons les bouddhas de Bamiyan détruits en Afghanistan par les talibans en mars 2001. Ajoutons qu’à l’avenir ces difficultés ne peuvent que s’aggraver en raison des carences gouvernementales et de l’exacerbation des identités que provoque la mondialisation. Soulignons enfin combien manquent les instruments d’une gouvernance cosmopolitique pour parvenir à une classification consensuelle de ce patrimoine commun, à son appropriation planétaire et à sa promotion. Ne pouvant être laissées ni aux mécanismes marchands, ni aux organisations intergouvernementales, sa définition et sa préservation constituent aujourd’hui un défi car la portée symbolique et l’impact sur les savoirs de cette reconnaissance se heurtent à des conceptions anti-universalistes relayées par des institutions archaïques.
Références
Chirac Jacques, Diouf Abdou, « Urgence à Tombouctou. Il faut sauver la paix au Sahel », Le Monde, 16 juillet 2012.
« Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine – Les crises malienne et soudanaise préoccupent », All Africa, 18 juillet 2012.
Cerny Philip, Rethinking World Politics: A Theory of Transnational Neopluralism, Oxford, Oxford University Press, 2010.
Falk Richard, « Revisiting Westphalia, Discovering Post-Westphalia », The Journal of Ethics, 6 (4), Dec. 2002, pp. 311-352.
Grégoire Emmanuel, Bourgeot André, « Désordre, pouvoirs et recompositions territoriales au Sahara », Hérodote, (142), mars 2011, pp. 3-11.
Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science, 162 (3859), Dec. 1968, pp. 1243–1248.
« La folie destructrice d’Ansar Dine », Al-Ahram Hebdo ,19 juillet 2012.
Harvey David, The Condition of Postmodernity : An Enquiry into the Origins of Culture Change, Cambridge, Blackwell, 1990.
Held David, « Restructuring Global Governance: Cosmopolitanism, Democracy and the Global Order », Millenium, 37 (3), April 2009, pp. 535-547.
Olson Mancur, La Logique de l’action collective, [1965], trad., Paris, PUF, 2001.
Rémy Jean-Philippe, « Mali : La Route de Tombouctou passe par Bamako », Le Monde, 17 juillet 2012.
Strange Susan, The Retreat of the State: the Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
UNESCO, Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Adoptée par la Conférence générale à sa 17e session à Paris le 16 novembre 1972, consultable à l’adresse suivante http://whc.unesco.org/.
UNESCO, Stratégie Globale, 1994, consultable à la page web : http://whc.unesco.org/fr/strategieglobale
1. UNESCO, Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Adoptée par la Conférence générale à sa 17e session à Paris le 16 novembre 1972, consultable à l’adresse suivante http://whc.unesco.org/,p. 1.
2. UNESCO, Stratégie Globale, 1994, consultable à la page web : http://whc.unesco.org/fr/strategieglobale.
3. UNESCO, Convention, op. cit., p. 3.
Sep 7, 2012 | Nord-Sud, Passage au crible, Santé publique mondiale
Par Clément Paule
Passage au crible n°73
Source : Wikipedia
Du 22 au 27 juillet 2012, près de 24 000 personnes provenant de 183 pays ont participé à la 19e Conférence internationale sur le SIDA (Syndrome d’Immunodéficience Acquise) organisée à Washington par l’IAS (International AIDS Society). Ce colloque, qui se tient tous les deux ans depuis 1994, a accueilli de nombreuses activités, qu’il s’agisse d’ateliers scientifiques, d’interventions de décideurs ou de manifestations artistiques visant à sensibiliser l’opinion publique sur la pandémie de VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine)/SIDA. Si la maladie a provoqué 30 millions de décès en trois décennies, ce sommet a été considéré comme un succès dans la mesure où la possibilité de mettre fin au fléau dans un futur proche a été sérieusement évoquée. Il paraît clair que ces perspectives relativement optimistes – affirmées explicitement par le slogan « ensemble, renverser la tendance » (turning the tide together) – s’appuient sur des avancées décisives sur le plan technique, alors que la crise financière incite les donateurs au désengagement. Depuis lors, les appels à la mobilisation se sont succédés afin d’élargir l’accès aux traitements pour les 97% de malades vivant dans des pays à revenus faible ou intermédiaire, tout en intensifiant les efforts de la recherche médicale.
> Rappel historique
> Cadrage théorique
> Analyse
> Références
Rappel historique
Après l’identification et l’isolement du virus au début des années quatre-vingt, de nombreux États ont mis en place des programmes d’action publique visant à maîtriser l’épidémie. Souvent décriés pour leur caractère excluant, voire stigmatisant – ainsi, les procédures de mise en quarantaine –, ces initiatives locales se sont révélées inefficaces pour contenir le VIH/SIDA qui se transforme en pandémie dans les décennies qui vont suivre. À terme, la lutte contre ce désastre sanitaire prend forme à l’échelle mondiale, ce qu’illustre la création de dispositifs institutionnels à l’instar d’ONUSIDA (Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA) en 1995. Parallèlement, soulignons la multiplication des mouvements associatifs – comme Sidaction ou AIDES en France – dont certains parviennent à s’internationaliser, à l’image d’ACT UP (AIDS Coalition to Unleash Power). Pour leur part, les États ne demeurent pas en reste et instaurent divers mécanismes de coopération afin de réduire la mortalité dans les régions gravement touchées, surtout en Afrique subsaharienne. À ce titre, le Pepfar (President’s Emergency Fund for Aid Relief) créé par George W. Bush en 2003 et doté de plusieurs milliards de dollars, apparaît comme la plus grande intervention étatique en matière de santé mondiale. Dans cette logique, UNITAID est lancé en 2006 dans le but de faciliter les achats de traitements pour les PED (Pays en développement), à partir d’une taxe de solidarité sur les billets d’avion appliquée par une trentaine de pays. Notons enfin l’apparition de structures publiques-privées, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme dès 2002, cet instrument financier étant chargé de centraliser et de distribuer les financements dédiés aux activités anti-VIH/SIDA.
Au sein de cette architecture complexe, l’IAS – fondée en 1988 – rassemble désormais 16 000 membres, parmi lesquels de nombreux chercheurs et professionnels de santé spécialistes du virus. Cette association à but non lucratif s’est imposée en tant que détentrice d’une expertise multiforme de premier plan : en témoigne la nomination récente de Françoise Barré-Sinoussi – prix Nobel de médecine en 2008 – à la présidence de l’organisation. À ce titre, les IAC (International AIDS Conference) jouent un rôle primordial dans la mesure où ces manifestations permettent de rendre publiques les dernières découvertes scientifiques sur la maladie, tout en relançant la mobilisation internationale et en sollicitant les bailleurs de fonds. Aussi, le choix de cette arène pour annoncer la possibilité d’enrayer la pandémie s’avère très significative sur le plan symbolique, d’autant que cette position s’appuie sur des avancées techniques considérables. Citons le patient de Berlin qui a été présenté comme le premier cas de guérison du SIDA après une greffe de moelle osseuse en 2007. Il convient enfin de rappeler que 34 millions de personnes vivraient aujourd’hui avec le VIH, et que seuls 54% des 15 millions de malades – soit environ 8 millions d’individus – bénéficieraient de traitements antirétroviraux. De plus, les estimations des Nations unies indiquent que 2,7 millions de nouvelles infections se seraient produites en 2010 – en baisse de 20% depuis 2001 – tandis que le nombre de décès liés au virus s’élèverait à 1,8 million pout la même période.
Cadrage théorique
1. La gouvernance mondiale de la santé en action. Cette conférence laisse entrevoir un ensemble de partenariats réunis autour d’un problème public mondial donné, en l’occurrence la pandémie de VIH/SIDA. Il importe cependant d’explorer les lignes de tension de cet espace qui rassemble des acteurs aux statuts et capitaux hétérogènes, ce qui n’est pas sans incidences sur la gestion internationale du fléau.
2. Avancées scientifiques vs logiques socio-économiques. Si les progrès de la recherche sur le virus permettent désormais d’envisager sa disparition, la plupart des participants conviennent qu’une approche strictement technique s’avère insuffisante. En effet, la maladie est profondément encastrée dans des rapports sociaux à différentes échelles, allant du clivage Nord/Sud aux stigmatisations moralisantes.
Analyse
En premier lieu, soulignons la diversité des contributeurs à l’événement : aux côtés des personnalités politiques – la Secrétaire d’État Hillary Clinton, l’ex-Président Bill Clinton ou le vice-Président sud-africain Kgalema Motlanthe – figuraient des artistes – Elton John –, des fonctionnaires internationaux – le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim, le directeur exécutif d’ONUSIDA Michel Sidibé –, des hommes d’affaires – Bill Gates – ou encore des scientifiques de renom. Cette mobilisation multisectorielle illustre la coexistence graduelle des acteurs étatiques et interétatiques avec la montée en puissance d’intervenants non-gouvernementaux, notamment les multinationales ou les fondations privées. Mentionnons à cet égard la multipositionnalité d’individus comme l’ex-Président Bill Clinton qui a négocié avec les firmes pharmaceutiques la réduction du prix de certains traitements. Cependant, le rôle croissant des philanthrocapitalistes – à l’instar de la Fondation Gates qui a investi au total 2,5 milliards de dollars contre le VIH – et de plusieurs États du Sud ne suffit pas pour combler le désengagement des pays donateurs dans un contexte d’austérité : l’ONUSIDA estime ce manque à 7 milliards de dollars pour des objectifs trois fois supérieurs à l’horizon 2015. D’autant que Barack Obama, par ailleurs absent à la conférence, a annoncé des coupes budgétaires concernant le Pepfar dès 2013.
En dépit de ces difficultés, les résultats de la recherche s’avèrent prometteurs selon l’initiative Towards an HIV Cure lancée par l’IAS, alors que les indicateurs sanitaires semblent s’améliorer. Si la découverte d’un vaccin ne paraît pas encore à l’ordre du jour, de nouvelles perspectives ont été envisagées pour perfectionner les thérapies existantes dont les coûts ont été abaissés. Citons le cas du Truvada, traitement prophylactique réduisant le danger de transmission – de près de 90% en cas de prise quotidienne selon des études cliniques – lors d’un rapport sexuel à risque, qui a été approuvé par la FDA (Food and Drug Administration) à la veille de l’IAC. Pour autant, cette dernière innovation a suscité l’inquiétude d’associations comme ACT-UP qui a évoqué les potentiels effets pervers du produit en matière de prévention. Plus généralement, l’implémentation de ces techniques reste au cœur des controverses, tant les logiques sociales dans lesquelles s’inscrit la pandémie demeurent complexes.
Ainsi, malgré les dénonciations répétées de la stigmatisation dont sont victimes les personnes infectées par le virus, de nombreux militants du Sud n’ont pu obtenir de visa pour se rendre à Washington. L’administration américaine a en effet rejeté les demandes des travailleurs-ses du sexe – sex workers – qui ont choisi d’organiser simultanément un contre-sommet à Kolkata en Inde. Rassemblant un millier de manifestants, cet événement parallèle – nommé Sex Workers Freedom Festival – s’est donné pour objectif de réclamer l’inclusion et la participation de ces populations particulièrement vulnérables à la prise de décision dans la lutte contre le VIH/SIDA. Cette initiative a été soutenue par le directeur exécutif d’ONUSIDA, qui a rappelé que moins de 1% des financements internationaux était consacré aux sex workers alors que ces derniers constituaient l’un des groupes les plus touchés par la maladie. En outre, les protestataires ont dénoncé les conditionnalités liées aux fonds distribués par le Pepfar qui requiert la signature d’une clause anti-prostitution par les organisations qu’il subventionne. Cet exemple montre, au-delà de la technicisation des réponses, la difficulté d’en finir avec une pandémie dont la dimension politique se révèle omniprésente.
Références
Dixneuf Marc, « La santé publique comme observatoire de la mondialisation », in : Josepha Laroche (Éd.), Mondialisation et gouvernance mondiale, Paris, PUF, 2003, pp. 213-225.
Site de la 19e Conférence Internationale sur le sida : http://www.aids2012.org [20 août 2012].
UNAIDS, UNAIDS Guidance Note on HIV and Sex Work, avril 2012, consultable à l’adresse: http://www.unaids.org [21 août 2012].
UNAIDS, Together We Will End AIDS, 18 juillet 2012, consultable à l’adresse : http://www.unaids.org {25 août 2012].
Sep 5, 2012 | Droits de l'homme, Justice internationale, Passage au crible
Par Yves Poirmeur
Passage au crible n°72
Pixabay, Sierra Leone
Ancien président du Liberia, Charles Taylor a été condamné le 30 mai 2012 à 50 ans de prison par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Il a été reconnu complice des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui ont été perpétrés lors de la guerre civile dont la Sierra Leone a été la proie pendant 11 ans. Depuis la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle le Tribunal de Nuremberg avait infligé 10 ans de prison au grand amiral Karl Dönitz – éphémère « successeur désigné » d’Hitler – c’est la première fois qu’un chef de l’État est condamné par une juridiction internationale pour des crimes relevant de l’exercice de ses fonctions. Cette sentence, frappée d’appel, marque une nouvelle avancée de la lutte contre l’impunité des criminels internationaux. Elle montre le souci de la justice internationale de sanctionner de façon exemplaire les gouvernants qui attisent la guerre civile dans un autre État et y sont complices d’exactions en utilisant le conflit pour servir leurs propres intérêts.
> Rappel historique
> Cadrage théorique
> Analyse
> Références
Rappel historique
Dirigeant du FNPL (Front national patriotique du Liberia), (1989-1997), qui cherchait à renverser le gouvernement libérien de Samuel Kanyon Doe, il avait entrepris, en 1991, d’affaiblir ses opposants à l’étranger en appuyant les opérations militaires du FRU (Front révolutionnaire uni) de Foday Sankoh contre le gouvernement sierra léonais. Élu président du Liberia en 1997, il a continué à intervenir dans les conflits armés des pays voisins (Guinée, Côte d’Ivoire) et à participer aux exactions en Sierra Leone, notamment aux attaques du FRU pour prendre les villes de Kono (1998) et Freetown (1999). Sous la pression de l’opposition suscitée par sa violente politique de répression, il a dû démissionner en 2003 et a été inculpé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (7 mars 2003), pour son soutien aux rebelles sierra léonais et les crimes commis pendant la guerre civile : crimes de guerre (actes de terrorisme, atteintes à la dignité personnelle, traitements cruels, enrôlement d’enfants en vue de participer à la guerre et aux pillages) et crimes contre l’humanité (meurtres, viols, esclavage sexuel et autres actes inhumains). Le Nigeria qui lui a accordé l’asile politique, l’a ensuite laissé capturer et l’a remis au tribunal spécial en 2006, à la demande du gouvernement libérien nouvellement constitué. Afin que son procès ne déstabilise la région, il a été jugé à La Haye, et non en Sierra Leone.
Cadrage théorique
1. La transnationalisation d’une criminalité économico-politique. Dans les États fragiles ou effondrés (Failed States, collapsed States) dont les gouvernements sont combattus par des factions militaires plus ou moins implantées dans la population, l’anarchie interne permet à des organisations criminelles transnationales de prospérer. Ces dernières développent leurs trafics en alimentant en armes les factions en conflit. Leurs rétributions consistant à s’emparer par la violence des ressources des territoires contrôlés, elles n’hésitent pas, pour ce faire, à commettre les crimes internationaux les plus graves. La paix est particulièrement difficile à rétablir lorsque les dirigeants d’un État voisin sont parties prenantes de ces trafics. En effet, en osmose avec des groupes rebelles venus de l’étranger, ils participent d’une entreprise criminelle transfrontalière au service de laquelle ils mettent les moyens de leur État ; leurs positions compromettant ensuite d’autant les efforts de paix déployés par le Conseil de sécurité.
2. L’abus de fonctions gouvernementales comme circonstance aggravante. Alors que « la situation officielle des accusés, soit comme chef d’État, soit comme hauts fonctionnaires », n’est plus considérée « comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de diminution de peine » par le droit international pénal (Statut du Tribunal militaire de Nuremberg, art. 7), une évolution se dessine aujourd’hui dans la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux. Ceux-ci considèrent à présent l’abus de l’exercice de leurs fonctions par les gouvernants comme une circonstance aggravante pour déterminer leur peine. Cette stratégie répressive est pertinente pour combattre cette forme de criminalité transnationale dans laquelle les gouvernants sont plus souvent les complices des crimes que leurs auteurs directs.
Analyse
Déclenchée par l’alliance entre les factions libérienne et sierra léonaise du FNP et du FRU pour prendre le pouvoir dans leurs pays respectifs, la guerre civile au Sierra Leone avait pour enjeu principal le contrôle des zones diamantifères et du marché des diamants sur lesquels l’État sierra-léonais n’était jamais parvenu à instaurer son monopole. Ce conflit a perduré ensuite en raison du trafic de ces pierres précieuses – « les diamants de sang » – dont le Liberia était devenu sous la présidence de Taylor, la plaque-tournante. Occupant la région diamantifère frontalière du Liberia, le FRU pouvait facilement s’approvisionner en armes auprès de C. Taylor qui négociait à l’abri de l’État les pierres de contrebande. Pour mettre un terme à cette guerre entretenue par cette économie criminelle, le Conseil de sécurité a utilisé des instruments diversifiés.
Pour tarir ces trafics et priver la rébellion de ses ressources, il a tout d’abord isolé le FRU en agissant sur les États voisins (Résolution 1171/1998), et plus spécialement sur le Liberia. Puis, il a intimé l’ordre à ce pays de cesser de lui apporter toute aide militaire et financière et ordonner le gel de ses avoirs. Pour circonscrire la contrebande et en accroître le risque pour les « blanchisseurs », seules les importations de diamants bruts munis d’un certificat d’origine délivré par le gouvernement sierra léonais ont été autorisées (Résolution 1306/2000). Afin d’accroître l’efficacité de ce dispositif, il a fini par décider un embargo sur les diamants en provenance du Liberia et sur les armes en direction de ce pays (Résolution 1343/2001). Par ailleurs le processus de transition et de réconciliation engagé sous l’égide de l’ONU et de la CDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) en 1999 n’empêchant pas la reprise des combats (500 casques bleus ont été capturés par le FRU en mai 2000), le Conseil de sécurité a dû mettre en place une opération de maintien de la paix (Résolution 1270/1999 créant la MINUSIL).d’une ampleur exceptionnelle puisqu’elle a comporté jusqu’à 17500 hommes.
Créé par un accord conclu entre la Sierra Leone et l’ONU (16 janvier 2002), pour juger les «personnes qui portent les responsabilités les plus lourdes », le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a condamné Charles Taylor à une peine exemplaire qui pourrait dans l’avenir contribuer à dissuader d’autres gouvernants de développer cette forme de criminalité économico-politique particulièrement pernicieuse. En effet, sa chambre de première instance ne s’est pas contentée de le juger coupable d’avoir aidé, encouragé et planifié des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en Sierra Leone. Elle a aussi considéré qu’il avait abusé de sa fonction de président du Liberia, comme de celle qu’il occupait au sein du comité des cinq de la CEDEAO chargé par l’ONU de rétablir la paix pour aider à la commission de ces crimes. Enfin, elle a estimé qu’il s’était personnellement enrichi en attisant le conflit : tous ces éléments étant retenus comme circonstances aggravantes.
Cette décision s’inscrit dans l’exact prolongement de la jurisprudence du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda). En l’espèce, cette juridiction avait jugé en 1998 que les hautes fonctions ministérielles qu’occupait Jean Kambanda, ancien Premier ministre du Rwanda accusé de crimes de génocide, étaient « de nature à définitivement exclure toute possibilité d’atténuation de la peine » (TPIR, 4 septembre 1998, Jean Kambanda).
Références
Chataignier Jean-Marc, L’ONU dans la crise en Sierra Leone. Les méandres d’une négociation, Paris, Karthala, 2005.
Decaux Emmanuel, « Les gouvernants », in : Hervé Ascensio, Emmanuel Decaux, Alain Pellet (Éd.), Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000.
Martineau Anne-Charlotte, Les juridictions pénales internationalisées, Paris, Pedone, 2007.
Strange Susan, Le Retrait de l’État. La dispersion du pouvoir dans l’économie mondiale, Paris, Temps Présent, 2011.
Août 22, 2012 | Articles, Fil d'Ariane, Publications
Par John Cash
This article was first published in Australian Feminist Law Journal, (30), 2009, and is republished here with permission of the editors of the AFLJ.
Dr. John Cash is a Fellow in the School of Philosophy, Anthropology and Social Inquiry at the University of Melbourne. He is also an editor of the Journal of Postcolonial Studies. His publications include Identity, Ideology and Conflict; the structuration of politics in Northern Ireland, Cambridge University Press, 1996 & 2010, and a series of articles and chapters that draw critically on social and psychoanalytic theory in order to develop novel approaches to the analysis of social relations, subjectivity and entrenched political and ethnic conflict. The most recent of these is « Squaring some vicious circles: transforming the political in Northern Ireland » in Consociational Theory, Routledge, 2009. His recent book, co-authored with Joy Damousi, is titled Footy Passions, UNSW Press, 2009. He is also co-editing, with Gabriele Schwab, a book titled The Postcolonial Unconscious. A longer-term project focuses on ‘Insecurity’.
Mailing address: School of Philosophy, Anthropology and Social Inquiry, University of Melbourne, Parkville, Victoria, 3010, Australia.
Télécharger l’article Negotiating Insecurity; Law, Psychoanalytic Social Theory and the Dilemmas of the World Risk Society