John Cash

John Cash
Professeur de philosophie et anthropologie Sociale

Université de Melbourne

Biographie

Bibliographie

Publications Chaos International

Biographie

John Cash est professeur de philosophie et anthropologie sociale à l’Université de Melbourne. Il est docteur en science politique, diplômé de l’Université de Yale.

Spécialiste de psychologie politique et sociale et de théorie politique, John Cash a été longtemps directeur adjoint du programme Ashworth en théorie sociale à l’Université de Melbourne. Il a été chercheur invité au Centre for the Study of Conflict and INCORE à l’Université d’Ulster – deux institutions affiliées aux Nations unies – puis il a été également professeur invité à l’Université de Californie-Irvine. Enfin, à deux reprises, il a été chercheur associé au Critical Theory Institute de l’Université de Californie-Irvine. Par ailleurs, il a été membre du conseil d’administration de l’ISPP (International Society of Political Psychology) et est membre des comités éditoriaux des revues Journal of Postcolonial Studies et Critical Horizons.

Bibliographie

Ouvrages

Identity, Ideology and Conflict; the structuration of politics in Northern Ireland, Cambridge University Press, 2010. (Originally published in 1996).

Footy Passions, University of NSW Press, 2009 (co-authored with Joy Damousi).

Articles et contributions à des ouvrages collectifs

“Insecurity and the Instituted Imaginary. Dangerous Others, Insecure Societies”, Ashgate, 2013, 111-128

“Squaring some Vicious Circles: Transforming the Political in Northern Ireland” in: Rupert Taylor (Ed.), Consociational Theory; McGarry and O’Leary and the Northern Ireland conflict, London, Routledge, 2009.

“Waiting for Sociality: The (Re)Birth, Astride a Grave, of the Social” in: Ghassan Hage (Ed.), Waiting, Melbourne, Melbourne University Press, 2009.

“Negotiating Insecurity: Law, Psychoanalytic Social Theory and the Dilemmas of the World Risk Society”, Australian Feminist Law Journal, 30, 2009.

“The political/cultural Unconscious and the Process of Reconciliation”, Journal of Postcolonial Studies, 7 (2), 2004.

“Politics, History and the Unconscious” in: Joy Damousi, Robert Reynolds (Eds.), History on the Couch, Melbourne, Melbourne University Press, 2003.

http://www.themonthly.com.au/key-thinkers-john-cash-sigmund-freud-1514

Publications Chaos International

Negotiating Insecurity. Law, Psychoanalytic Social Theory and the Dilemmas of the World Risk Society

Ontological Security and International Relations. A Psychoanalytic Political Theory Perspective. Séminaire du Professeur John Cash du 16 avril 2013

Passionate Attachments, Conflicted Relations. Séminaire du Professeur John D. Cash  du 15 septembre 2010

 

PAC 116 – Une cérémonie mondiale de marketing La présentation en direct de l’iPhone 6, le 9 septembre 2014

Par Justin Chiu

Passage au crible n°116

Apple iPhone keynoteSource: Flickr

Le 9 septembre 2014, les journalistes high-tech du monde entier ainsi que ceux de la presse généraliste se sont réunis au Flint Center à Cupertino pour assister à la présentation de l’iPhone 6. Animée par le directeur général d’Apple, Tim Cook, et diffusée en direct sur Internet, cette grand-messe a été, en outre, plébiscitée par de nombreuses célébrités, comme par exemple, les chanteurs Gwen Stefani et Dr. Dre, venus en jet privé, et Coco Lee, chanteuse très populaire en Asie, dont l’arrivée a même été annoncée sur le site officiel du groupe. Dépourvu d’innovations importantes, l’iPhone 6 a pourtant été acclamé chaleureusement par le public du Flint Center.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique

En 1984, c’est dans cette même salle mythique que Steve Jobs avait présenté le tout premier ordinateur Mac. Par un subtil mélange d’humour et de superlatifs, le fondateur d’Apple a enthousiasmé les actionnaires participant à l’événement. Stimulés par la bande originale du film Les Chariots de feu, ces derniers hurlaient et applaudissaient à la fin de la présentation. Dès lors, la firme de Cupertino a fourni non seulement un produit follement génial (insanely great) – la formule de la présentation – mais aussi une expérience extraordinaire. En ce sens, les utilisateurs des produits d’Apple s’attendent toujours à vivre un moment particulier et sont prêts pour ce faire à dépenser davantage.

En 2001, Apple s’est lancé dans le marché très concurrentiel de l’électronique grand public avec l’iPod. Clairement positionné comme un produit haut de gamme, le baladeur audio d’Apple apparaissait alors comme un objet de désir, voire un symbole de loisirs pour la classe moyenne. De plus, son utilisation se faisait à l’aide du logiciel iTunes installé sur un ordinateur. Ce faisant, l’usage professionnel du Mac et celui de loisir de l’iPod se combinent. Dans cette logique, la fidélité des utilisateurs de produits Apple augmente considérablement avec une utilisation plus intensive. En outre, la keynote – conférence de présentation de nouveaux produits – animée par Steve Jobs est devenue, d’année en année, un rendez-vous incontournable pour la communauté Apple.

En 2007, Steve Jobs a présenté la première génération d’iPhone, un produit qu’il a lui-même qualifié de révolutionnaire. Depuis, dix modèles se sont succédé. En 2013, Apple est devenu le numéro deux mondial des smartphones derrière Samsung avec 153,4 millions d’appareils livrés. Cependant, avec 15,3% de part de marché, Apple réussit à dégager près de 60% de bénéfices, soit 129 milliards de dollars (Cabinet d’étude Asymco). Face aux nouveaux entrants sur le marché, Apple a choisi de ne pas s’aligner sur leur stratégie à bas prix. Au contraire, les deux modèles, l’iPhone 6 et l’iPhone 6 plus s’avèrent plus que jamais des produits de luxe ; le plus coûteux dépassant la barre symbolique des 1000 euros.

Cadrage théorique

1. La construction mondiale d’un événement médiatique. Depuis le lancement des premiers iPhones, les conférences de presse d’Apple sont devenues de véritables spectacles planétaires. Animées auparavant par le charismatique Steve Jobs, puis par le directeur général actuel, Tim Cook, ces cérémonies, désormais diffusées simultanément sur internet, servent à démontrer la puissance économico-culturelle de la firme ainsi que sa capacité d’attraction face aux journalistes et aux consommateurs du monde entier. Malgré une ambiance décontractée, ces présentations sont minutieusement préparées. Rien n’a été laissé au hasard : chaque image, chaque geste est calculé et codifié afin de construire une atmosphère extraordinaire.
2. La diffusion intensive d’innovations incrémentales. Loin d’être un produit révolutionnaire, l’iPhone 6 propose seulement deux améliorations majeures par rapport aux versions précédentes : un processeur plus puissant et un écran plus large. Cependant, la force d’Apple réside précisément dans son aptitude à produire constamment de meilleurs terminaux et à diversifier ses activités. Ce ne sont pas uniquement les techniques du smartphone qui bénéficient ainsi d’une amélioration, mais toute la structure de production et les services autour des produits. Si la révolution numérique connaît avant tout une « accélération technologique » (Lorenzi), il convient donc d’analyser comment Apple a bâti son écosystème avec l’ensemble de ses iPhones.

Analyse

La nature de la keynote d’Apple s’avère profondément différente des autres événements d’envergure planétaire. En effet, ces derniers sont organisés soit par l’État, comme le mariage royal, soit par des organisations interétatiques, comme les Jeux Olympiques. En revanche, il s’agit ici d’un acteur privé, d’une firme qui a conçu un spectacle en mobilisant ses ressources financières et symboliques par-delà les frontières. En trente ans, Apple a réussi à institutionnaliser ses conférences de presse, devenues désormais des rendez-vous très attendus. La personnalité de Steve Jobs y a beaucoup contribué ; son charisme et son habileté à convaincre étant intimement liés à la réputation de la marque. En fait, les journalistes et les célébrités s’attendent en permanence à être fascinés au point de l’être avant même le début de la conférence. En ce sens, acquérir un iPhone, revient à afficher une position sociale supérieure ; exhiber cet objet de désir, consiste à mobiliser avec ostentation un attribut de puissance.

Les utilisateurs des produits Apple recherchent une expérience personnelle et particulière. Ils s’y identifient car parmi tous les constructeurs de smartphones, seul Apple se présente comme une marque haut de gamme. Cette stratégie leur permet d’assurer une marge considérable tout en fidélisant magistralement ses acheteurs. Avec un système fermé autour d’iTunes et d’App Store, il convient de s’équiper d’un Mac, d’un iPhone et d’un iPad pour pouvoir accéder aux fonctions optimales des terminaux. Par conséquent, craignant le moindre dysfonctionnement ou la moindre incompatibilité, voire redoutant d’être exclu de la communauté Apple, les fans envisagent rarement de quitter la marque.

Apple, comme toutes les autres organisations capitalistiques, innove dans le but d’engranger plus de profit. Or, dans le contexte de dérégulation mondiale des télécommunications, la concurrence s’est accrue avec les firmes chinoises à bas coût, comme Huawei et Xiaomi. Ce faisant, les acteurs du secteur réalisent davantage d’investissements en recherche appliquée et privilégient des projets à plus court terme au détriment de la recherche fondamentale. Dans cette perspective, les constructeurs renouvellent constamment leurs gammes de produits sans avoir pour autant réalisé des découvertes importantes. On constate ainsi que le cycle de vie des smartphones ne cesse de se réduire, tandis que les consommateurs se voient dans l’obligation d’acquérir le dernier modèle. Néanmoins, avec l’accumulation de petites innovations, le smartphone a considérablement transformé nos façons de vivre en une décennie.

Lors de la présentation de l’iPhone 6, le service de paiement sans contact Apple Pay a été également introduit. Appliquée par Samsung et Sony jusqu’ici sans grand succès, cette technique de paiement sera enfin généralisée avec ce nouveau modèle. Effectivement, depuis le lancement successif de l’iPod, l’iPhone et l’iPad, force est de constater qu’Apple maîtrise non seulement la diffusion des nouvelles techniques, mais peut également compter sur ses fidèles utilisateurs, prêts à vivre ces expériences.

Références

Chiu Justin, « L’anarchie mondiale dans la téléphonie mobile », in : Josepha Laroche (Éd.), Passage au crible, l’actualité internationale 2012, Paris, L’Harmattan, 2013, pp. 117-122.
Dayan Daniel, Katz Elihu, La Télévision cérémonielle : anthropologie et histoire en direct, trad., Paris, PUF, 1996.
Le Monde, « La grande et les petites révolutions d’Apple », 11 sept. 2014.
Lorenzi Jean-Hervé et Villemeur Alain (Éds.), L’Innovation au cœur de la nouvelle croissance, Paris, Economica, 2009.
Strange Susan, Mad Money, Manchester, Manchester University Press, 1998.
Strange Susan, States and Markets: An Introduction to International Political Economy, Londres, Pinter, 2e éd, 1994.
Veblen Thorstein, The Theory of the Leisure Class, [1899], New York, Dover Publications, 1994.

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PAC 115 – La confirmation d’une doxa humaniste L’écrivain français, Patrick Modiano, prix Nobel de littérature 2014

Par Josepha Laroche

Passage au crible n°115

Patrick ModianoSource : Wikipedia

Le 10 octobre 2014, l’Académie suédoise a accordé le Nobel de littérature à l’écrivain français Patrick Modiano. Après J.M.G. Le Clézio, qui l’avait lui-même obtenu en 2008, cet auteur permet à la France de s’enorgueillir ainsi d’un 15e trophée et de demeurer à ce jour – devant les États-Unis – l’État le plus doté dans cette discipline, avec 13,5% des récipiendaires.

 

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique

Dans son testament établi le 27 novembre 1895, Alfred Nobel a développé un projet résolument cosmopolite, pacifiste et humaniste. Ce document essentiel détaillait les conditions financières et les critères qui devaient présider après sa mort à la création d’un système international de prix, propre à ordonner le monde. Ses deux exécuteurs testamentaires ont toutefois dû faire face ensuite à la famille du magnat qui se retrouvait déshéritée par sa volonté expresse. Refusant de perdre l’une des plus importantes fortunes mondiales de l’époque (31 millions de couronnes suédoises équivalant à 1,5 milliard d’euros), celle-ci s’engagea alors dans une longue procédure contentieuse au terme de laquelle elle obtint 1,3 million de couronnes suédoises. En contrepartie, elle reconnut la validité des dispositions prévues par l’industriel suédois et renonça donc à tout jamais à ses prétentions financières. La Fondation Nobel pouvait désormais voir le jour et fonder l’instrument de combat en faveur du savoir et de la paix que l’industriel avait appelé de ses vœux. En 1901, un système de cinq prix (physique, chimie, physiologie-médecine, paix et littérature) fut finalement mis en place. En 1968, pour célébrer le trois centième anniversaire de la banque de Suède, celle-ci décida de créer et de financer un prix d’économie « en mémoire d’Alfred Nobel » décerné depuis dans les mêmes conditions que les autres. C’est ce dispositif global qui reste aujourd’hui encore en vigueur.

Quelle que soit la spécialité honorée, chaque prix doit récompenser ceux qui « auront dispensé les plus grands bienfaits à l’humanité » (testament). S’agissant du Nobel de littérature, l’institution a édicté au fil des ans « les variantes du goût dominant » sur le plan international. En fait, sa doxa humaniste n’a cessé d’osciller depuis plus d’un siècle entre deux lignes de force opposées mais complémentaires : 1) La découverte d’un auteur ; cette démarche visant principalement à encourager la novation et/ou à favoriser des formes d’expression jugées trop longtemps ignorées. Le Comité a cherché à révéler des artistes peu connus en dehors de leur milieu linguistique ou culturel, et auxquels peu de personnes avaient jusque-là accès. Dans cette logique, mentionnons à titre d’illustration Saint-John Perse, (Fr. 1960), Seamus Heaney, (Irl. 1995), Wisława Szymborska (Pol, 1996) ou encore Mo Yan (Chine, 2012). 2) La consécration d’une notoriété et de valeurs confirmées, déjà mondialement reconnues auprès d’un large lectorat, comme par exemple Thomas Mann (All, 1929) Albert Camus (Fr. 1957), et Jean-Paul Sartre (Fr. 1964). En l’occurrence, le jury s’est constamment efforcé de remplir ces deux objectifs apparemment contradictoires fondés sur une même ligne doctrinale. Comme le résumera bien Lars Gyllensten 1 ; « Le prix ne doit pas couronner les mérites du passé […] il ne doit pas être une sorte de décoration […] il doit constituer une mise ou bien un pari sur l’avenir […] qui puisse encourager le lauréat ». Autrement dit, le Nobel de littérature aura pour mission de « permettre à un écrivain original et novateur de poursuivre son œuvre; à un genre littéraire, négligé jusque-là mais fécond, de sortir de l’obscurité et de recevoir de l’aide; à une aire culturelle ou linguistique insuffisamment remarquée, ou à d’autres tentatives et luttes humaines de se voir soutenir par l’attribution du prix ».

Cadrage théorique

1. Une dissonance normative. Chaque année, l’attribution de cette distinction donne lieu à de sempiternelles controverses – voire à de violentes polémiques – portant sur la pertinence du choix retenu. En effet, il est souvent reproché de ne pas avoir désigné le « meilleur écrivain du moment » pour reprendre l’expression de Lars Gyllensten qui, à juste titre, voyait là « une tâche impossible ». En outre, non seulement cette injonction paraît chimérique, mais elle ne correspond pas aux directives explicitement formulées par Alfred Nobel. Plus modestes, celles-ci ne se situent pas sur le plan littéraire, mais uniquement dans le registre éthique.
2. Une hiérarchisation des États. Seuls des individus ou des institutions peuvent recevoir un Nobel. Ceci n’a toutefois jamais empêché les États de considérer cette distinction comme un dispositif international de mesure jaugeant leur niveau scientifique, leur rayonnement culturel et leur stature politique. Ils lui reconnaissent le pouvoir symbolique d’évaluer leur potentiel intellectuel et de leur attribuer un rang plus ou moins prestigieux : en bref, de les hiérarchiser. Ainsi devenu un élément constitutif de leur puissance, ce titre de noblesse joue à présent comme sanction de leur politique de recherche, de production culturelle et de respect du bien commun. Nous sommes donc bel et bien en présence d’une diplomatie non-étatique qui infléchit le jeu interétatique.

Analyse

Depuis la création des prix en 1901, le prestige attaché à ce système international de gratifications n’a cessé de s’étendre au point que les lauréats sont devenus, au cours des ans, synonymes d’excellence mondiale, d’exemplarité spirituelle et citoyenne. Définis comme des personnalités éminentes, ils constituent une élite transnationale aux propriétés qualifiées d’exceptionnelles, tant sociales que morales et intellectuelles, au point qu’on leur impute parfois un pouvoir quasi thaumaturgique.

Quant au Nobel de littérature, il est perçu comme un ambassadeur de la richesse littéraire d’un pays, le meilleur marqueur des rapports de forces culturels opposant les nations plus encore que les impétrants. Le malentendu éclate cependant bien vite, dès lors qu’il convient de se prononcer en faveur de telle ou telle personnalité. En effet, accorder cette récompense à quiconque « aura produit dans le domaine de la littérature, l’œuvre la plus remarquable dans le sens de l’idéalisme » – suivant les propres termes d’Alfred Nobel – n’implique aucunement de gratifier des qualités littéraires particulières. Les écrivains Sully Prudhomme (Fr, 1901) ou bien encore Pearl Buck (États-Unis, 1938), pour ne mentionner que ces deux exemples, illustrent bien cette logique humaniste, peu exigeante quant aux contributions retenues. Certes, cette dernière n’interdit pas au jury de privilégier un style innovant, un précurseur, une entreprise pionnière, voire ésotérique. Bien au contraire, celui-ci s’efforce chaque année de concilier esthétique et doxa humaniste. Assurément, il s’emploie autant que faire se peut à combler tout hiatus entre ces deux dimensions, comme le montrent les attributions du prix à Hermann Hesse (Suisse, 1946) William Faulkner (E.U., 1949), Ernest Hemingway (E.U, 1954), Samuel Beckett (Irl., 1969), Harold Pinter (R.U., 2007) et tant d’autres.

S’agissant de Patrick Modiano, le Comité a clairement consacré son cheminement reconnu de longue date et bénéficiant d’un large public toujours aussi fidèle d’année en année. Enfant prodige de la littérature française dans les années soixante-dix, il accumule bien vite les honneurs. Dès 1968, alors qu’il n’a que 23 ans, il reçoit les Prix Roger-Nimier et Fénéon pour son premier roman La Place de l’Étoile. En 1972, il devient le plus jeune bénéficiaire du Grand Prix du roman de l’Académie française, pour son troisième ouvrage, Les Boulevards de ceinture. Puis en 1976, il se voit attribuer le Goncourt pour Rue des boutiques obscures. Ensuite, les distinctions se multiplieront tant nationales qu’internationales. Son univers mélancolique entièrement centré sur le Paris de la Seconde Guerre mondiale relève du devoir mémoriel. Il témoigne du refus éperdu de voir effacer à tout jamais la moindre trace d’êtres anonymes broyés par la guerre ou tout simplement par le tourbillon de la vie. Il dit inlassablement l’impérieuse nécessité d’explorer un douloureux passé pour mieux calmer les blessures d’une absence et d’une identité incertaine. L’Académie suédoise a salué dans ce travail d’archéologue acharné mené par Modiano « l’art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l’Occupation ». En d’autres termes, elle a tenu à souligner mezza voce la conformité de son œuvre au projet humaniste de l’industriel, tout en réussissant à couronner un écrivain au talent indiscutable.

Ce Nobel honore un monde romanesque, un parcours solitaire et à bien des égards atypique. Dans le même temps, il permet aussi à l’État français de s’en prévaloir. Ce faisant, ce dernier s’approprie la gloire d’un homme, la capitalise et la convertit en ressource politique pour maintenir son rang dans la compétition mondiale où tous les acteurs étatiques sont condamnés à concourir.

Références

Laroche Josepha, Les Prix Nobel, sociologie d’une élite transnationale, Montréal, Liber, 2012.
Laroche Josepha, (Éd.), Passage au crible, l’actualité internationale 2009-2010, Paris, L’Harmattan, 2010, pp. 19-22 ; pp. 41-45.
Laroche Josepha, (Éd.), Passage au crible, l’actualité internationale 2011, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 35-38.
Laroche Josepha, (Éd.), Passage au crible, l’actualité internationale 2012, Paris, L’Harmattan, 2013, pp. 47-52.
Laroche Josepha, (Éd.), Passage au crible, l’actualité internationale 2013, Paris, L’Harmattan, 2014, pp. 119-123.
http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/literature/

1. Secrétaire de l’Académie suédoise en fonction dans les années soixante-dix.

Florent Bédécarrats Membre de l'équipe éditoriale

Florent Bédécarrats
Biographie

Expertise

Publications

Communications

Publications Chaos International

Biographie

Florent Bédécarrats est titulaire d’un doctorat de science politique décerné par l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est par ailleurs diplômé de l’IEP (Institut d’Études Politiques) de Grenoble et titulaire du Master 2 Coopération Internationale, Action Humanitaire et Politiques de Développement, de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est actuellement chargé de recherches à l’AFD (Agence Française de Développement) où il coordonne des évaluations d’impact et de politiques publiques. Il a travaillé auparavant en Amérique latine pendant trois ans pour des coopératives et des ONG. Puis, il a été chargé d’activités de recherche et développement pour CERISE* (Comité d’Échange, Réflexion et Information sur les Systèmes d’Épargne-crédit).

Ses missions l’ont notamment conduit dans les pays suivants : Belgique, Bénin, Brésil, Bosnie, Burkina-Faso, Bolivie, Côte d’Ivoire, Guatemala, Mali, Mauritanie, Mexique, Nicaragua, Pérou, République Démocratique du Congo, République Dominicaine, Sénégal et Togo.

Il est l’auteur d’un ouvrage qui traite de la gouvernance mondiale et de la création de normes en microfinance : La Microfinance. Entre utilité sociale et rentabilité financière paru en 2013 dans la collection Chaos International aux éditions L’Harmattan. Par ailleurs, il est l’auteur – seul ou bien en collaboration – de deux numéros de PAC (Passage au crible) et de sept numéros de la rubrique Fil d’Ariane.

Expertise

  • Développement
  • Performances sociales
  • Financement rural

Publications

  • Coordination du numéro spécial « « Révolution des données » en Afrique : mythe ou réalité ? État des lieux et enjeux de la statistique africaine », Afrique contemporaine, en cours (avec Jean-Pierre Cling et François Roubaud).
  • Coordination du numéro spécial « L’inclusion financière : aider les exclus ou servir les financiers ? »,  Revue Tiers Monde (225), avr. 2016, (avec François Doligez, Johan Bastiaensen et Marc Labie).
  • « L’étalon-or des évaluations randomisées?: du discours de la méthode à l’économie politique », Sociologies pratiques, n° 27 (2), oct. 2013, pp. 107-122 (avec Isabelle Guérin et François Roubaud)?
  • « Évaluer l’impact de la microfinance?: bilan des pratiques et proposition pour une approche mixte », Techniques Financières et Développement (113), juin 2013 (avec Cécile Lapenu).
  • « Assessing Microfinance: Striking a Balance Between Social Utility and Financial Performance », in : Gueyie Jean-Pierre, Manos Ronny, Yaron Jacob (Éds.),Microfinance in Developing and Developed Countries: Issues, Policies and Performance Evaluation, New York, Palgrave Macmillan, 2013, pp. 62-82.
  • « Co-optation, Cooperation or Competition? Microfinance and the New Left in Bolivia, Ecuador and Nicaragua », Third World Quarterly, 33 (1), févr. 2012, pp. 143-160 (avec Johan Bastiaensen et François Doligez).
  • « L’impact de la microfinance?: un enjeu politique au prisme de ses controverses scientifiques », Mondes en développement, 158, 2012, pp. 127-142.
  • « De nouvelles normes de mesure de la responsabilité sociale », Le Monde Économie, 1 nov. 2011 (avec Cécile Lapenu).
  • « Nouvelles gauches et inclusion financière : la microfinance contestée en Bolivie, en Équateur et au Nicaragua », Critique Internationale, 52, août 2011, pp. 129-153.
  • « Mesures de performance : Quels sont les apports de la microfinance ? »,Banque & Stratégie, 294, juill. 2011, pp. 28‑31.
  • « Évaluer la microfinance, entre utilité sociale et performances financières », Revue française de Socio-Économie, 2 (6), nov. 2010, pp. 87-107.
  • « La microfinance au service du développement social. Séminaire international du FOROLAC-Fortaleza, Brésil, 7-9 décembre 2009 », Passage au crible, (8), 7 décembre 2009.
  •  » The Relationship Between Social and Financial Performance in Microfinance: Evidence from 126 assessments « , The Microbanking Bulletin, Fall 2009, (avec Cécile Lapenu et William Angora).
  •  » L’influence de la régulation sur la capacité de la microfinance à contribuer au développement Bolivie « , La Microfinance est-elle socialement responsable ?, Numéro spécial de la revue Tiers Monde, mars 2009.
  • Dossiers thématiques « Impact et Performances sociales » et Protection du consommateur  » sur le Portail de la Microfinance : www.lamicrofinance.org
  •  » Políticas públicas y servicios financieros rurales en Mesoamérica « , Centre d’Études Mexicaines et Centraméricaines, Revue TRACE, (52), Mexico, 2007, pp. 119-126.
  •  » Sistematización de tres proyectos socio-políticos para el fomento de la participación en el altiplano guatemalteco : PROGRESO, PRODECI y ADIMH, CARE « , Document interne, 2004, Ciudad de Guatemala.

Communications

  • “ Comprendre l’émergence de normes sociales en Microfinance ”, First European Research Conference on Microfinance, Centre for European Research in Microfinance CERMi (Solvay Brussels School of Economics and Management, ULB and Faculté Warocqué, Université de Mons), European Microfinance Platform, Bruxelles, 2 juin 2009.
  • “ Évaluer et valoriser la performance sociale de la microfinance ”, Convergences 2015, Paris-Maison de la Chimie, 30 Avril 2009.
  • “ Combiner impact social et pérennité financière : la perspective des praticiens de la microfinance ”, Concilier ambition sociale et rentabilité, un pari impossible?, Paris-Ecole Militaire, Séminaire Science Po-Polytechnique, 20 avril 2009.
  • “ Dynamiques normatives et critères sociaux en microfinance ”, Séminaires de recherche du CERMi, Bruxelles-ULB, 20 mars 2009 (avec Reynaldo Marconi).
  • Perspectives on Social Performance and Links with Financial Performance, Séminaire: Maturing microfinance and the challenge of rural microfinance in Central America, Anvers, Institute for Development Policy and Management, 9 mai 2008.

Publications Chaos International

La Microfinance. Entre utilité sociale et rentabilité financière

Passage au crible de la scène mondiale 2014

Passage au crible de la scène mondiale. L’actualité internationale 2009-2010

La microfinance au service du développement social . Séminaire international du FOROLAC-Fortaleza, Brésil, 7-9 décembre 2009

PAC 112 – Les diplomaties controversées du développement. Le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement 15-16 avril 2014