Recrutement – Responsable du pôle chinois

Chaos International recrute un(e) responsable du pôle chinois et des traducteurs.

Présentation
Fondé en 2009, Chaos International est une association de loi 1901 rattachée à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et qui rassemble des chercheurs reconnus en Relations internationales et de jeunes doctorants. Proposant une grande variété de travaux (publications, pastilles audio, vidéos et conférences) en six langues et disponibles en ligne, Chaos International publie aussi ses ouvrages dans la collection éponyme aux éditions L’Harmattan et chez Airiti Press, à Taiwan.

Mission
En charge du pôle chinois au sein de Chaos International, votre mission consistera notamment à :
1. Assurer la traduction régulière en chinois des articles (2 pages) de la rubrique PAC (Passage au crible).
2. Coordonner le travail au sein de l’équipe du pôle,
3. Procéder aux relectures et corrections avant la mise en ligne des textes.

Par ailleurs, vous serez également en charge de la collection chinoise de Chaos International et vous bénéficierez à ce titre d’une mention bio avec photo dans chaque ouvrage publié. Vous devrez plus particulièrement :
1. Entretenir les relations institutionnelles avec l’éditeur,
2. Avec l’appui de la responsable éditoriale, préparer, mettre en page et transmettre le manuscrit (composé des articles déjà publiés sur le site) finalisé à l’éditeur.

Qualités requises
1. De langue maternelle chinoise ; Bilingue français-chinois,
2. Organisation, rigueur et réactivité,
3. Autonomie et sens de l’initiative,
4. Excellentes qualités rédactionnelles.

Profil souhaité
À partir de Bac +4, +5 en Langues étrangères, Science politique, autre. Grandes écoles, Universités, IEP. Une très bonne maîtrise de Word est recommandée.
Statut : volontaire bénévole/stagiaire. Le responsable du pôle chinois disposera sur le site de Chaos International d’une fiche biographique avec photo où son parcours sera mis en valeur ainsi que dans l’ouvrage publié par les éditions Airiti Press. Des rémunérations ponctuelles et très limitées seront versées.

Contact :

administration@chaos-international.org

Lea Sharkey Traductrice anglais

Lea Sharkey

Biographie

Expertise

Biographie

Lea Sharkey est titulaire d’un Master 2 « Expertises de l’Action Publique Territoriale » obtenu à Sciences-Po Rennes en 2011et d’un BSc en Sciences Sociales obtenu à la Brunel University de Londres.

Lea a acquis une expérience professionnelle au sein du Réseau des Chambres de l’Economie Sociale et Solidaire et dans la gestion de projets FEDER européens.

Expertise

  • Innovation sociale
  • Économie sociale et solidaire
  • Politiques européennes

PAC 141 – Une ambition politique sans contraintes juridiques Bilan de la COP21

Par Weiting Chao
Passage au crible n° 141

COP21 ClimatSource: Flickr

Le 30 novembre 2015, s’est ouverte au Bourget la conférence de Paris sur le climat, dite COP21. Elle a réuni 147 chefs d’État, des négociateurs représentant 195 pays et près de 50 000 participants. Le 12 décembre, un accord universel remplaçant le protocole de Kyoto a été finalement adopté. Les États parties prévoient de contenir la hausse des températures mondiales bien en dessous de 2°C et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.
Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique
Le réchauffement de la planète représente aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la survie de l’humanité. Afin de régler ce problème, la CCNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques) a été signée en 1992 par 153 pays. Dans le respect de l’équité, ce document a défini pour les puissances industrialisées et celles en développement, le principe de responsabilités communes et différenciées. Cinq ans plus tard, les signataires de la CCNUCC ont adopté le Protocole de Kyoto, premier instrument mondial contraignant les pays développés à réduire leurs émissions de GES (Gaz à Effet de Serre). Or, en 2001, invoquant une atteinte au développement de l’économie américaine, les États-Unis ont refusé de le ratifier. Le protocole est cependant entré en vigueur après la ratification de la Russie en 2005. Comme il devait expirer fin 2012, la période post-Kyoto a été envisagée dès ce moment. Selon la feuille de route signée en 2007 à Bali, les États auraient dû finaliser un nouveau texte à Copenhague en 2009 (COP 15). Mais si ce sommet a bien réussi à réunir un grand nombre de dirigeants, d’ONG et de sociétés civiles, aucun progrès significatif n’a été constaté. À Copenhague, le document final a été négocié à huis clos par un petit groupe comprenant les États-Unis et les pays émergents dits BASIC (le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine). Toutefois, il n’a pas été adopté. Lors de la COP 18, qui s’est tenue à Doha en 2012, le Protocole de Kyoto a donc dû être prolongé jusqu’en 2020, tandis que l’adoption d’un nouveau traité a été reportée à l’année 2015.
Deux semaines avant l’inauguration de la COP21, le 13 novembre 2015 Paris a été frappé par des attaques sans précédent qui ont fait 130 morts et 352 blessées. En raison des menaces terroristes, la sécurité a été renforcée dans le monde entier et le maintien de la COP21 a même été remis en question. Mais, malgré toutes ces difficultés, le sommet s’est déroulé sans incident.

Cadrage théorique
1. Un modèle de régulation conjointe. Au sein des négociations sur le climat, on observe des hiérarchies de puissance. À ce titre, l’ONU représente un système d’interdépendance asymétrique entre acteurs inégaux. Les règles s’y reconstruisent en permanence, au vu des résultats de l’action et de la non-action. Selon Marie-Claude Smouts, dans ce type d’organisation, il existe deux catégories de régulation, deux rationalités qui s’affrontent et se confrontent. La première émane de joueurs dominants qui détiennent le pouvoir de forger des règles et de les faire adopter pour mieux maîtriser le jeu collectif. Quant à la seconde, elle émane d’acteurs subordonnés. Ces derniers s’efforcent d’établir des stratégies de dérobade et de contournement afin de peser tout de même sur la décision finale.

2. La déterritorialisation et la reterritorialisation Nord-Sud. Dans l’après-Guerre froide, le principe de territorialité a subi de profondes mutations. Le territoire étatique a été remis en cause par des flux matériels et immatériels à caractère transnational. Ces derniers résultent de l’allègement du contrôle des frontières et de l’affaiblissement des contraintes spatiales et logistiques. Il s’ensuit une déterritorialisation des échanges internationaux qui a mené à une reconfiguration de la gouvernance dans plusieurs domaines (sécurité, écologie, immigration, santé, etc.). Or, lors des récentes négociations multilatérales sur le réchauffement climatique, cette logique est entrée en contradiction avec le classique clivage territorialisé Nord-Sud, ce qui a freiné l’adoption d’un accord global. En effet, la menace climatique suppose de gérer l’atmosphère comme un bien commun, ce qui dépasse la notion classique d’appropriation territoriale.

Analyse
La conférence de l’ONU sur le climat représente une importante opportunité pour les États. En 2015, l’UNFCCC était ratifiée par 195 pays. Dans les négociations multipartites, la diversité et l’hétérogénéité des acteurs s’ajoute à l’hégémonie des États-Unis. À cet égard, cette puissance a refusé de ratifier le Protocole de Kyoto invoquant une atteinte au développement de sa propre économie. À l’évidence, la non-action d’un pays dominant diminue considérablement l’efficacité de l’autorité publique sur la coopération internationale. De plus, de nombreux pays ont décidé de ne pas participer à la deuxième phase du Protocole (2013-2020). Par ailleurs, après 2000, l’émergence des BASIC a modifié la donne. La Chine est ainsi devenue le plus gros émetteur de CO2 au monde, dépassant en 2006 les émissions des États-Unis. À Copenhague, les deux grandes puissances et les pays émergents ont fragilisé le mécanisme de confiance instauré au sein de l’ONU, ce qui a d’autant plus érodé les négociations. En raison de ce climat tendu, l’Accord de Copenhague n’a pas été adopté par la CCUNCC, alors même qu’il n’était pourtant pas juridiquement contraignant pour les parties.
D’autre part, pendant les pourparlers, les pays subordonnés ont tenté de faire valoir leurs propres positions par la mise en œuvre d’un « jeu itératif » qui a contribué à pacifier les conflits entre les membres. Dans ce cadre, les participants ont recherché des opportunités pour parvenir à satisfaire leurs intérêts sur certains dossiers. Mais en retour, ils ont dû faire des concessions dans d’autres domaines. Une impression d’éternel recommencement s’est par conséquent dégagée de cette séquence. Cette logique a donc obligé la COP21 à parvenir à des engagements réciproques. Rappelons que l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C et le terme de « pertes et dommages » évoqués initialement par l’Alliance des petits États insulaires ont été intégrés à l’accord de Paris. Cependant, dans un premier temps, ces principes ont été fortement désapprouvés par les États-Unis.
Il convient de souligner que ce document représente le premier accord universel dans lequel tous les pays développés, ainsi que les PED acceptent des obligations destinées à gérer leurs émissions de GES. De ce point de vue, le mode traditionnel de gouvernance Nord-Sud a été réajusté en fonction des menaces liées au changement climatique. Il s’agit d’un mouvement de déterritorialisation et de reterritorialisation qui affaiblit les contraintes de localisation. Par exemple, un rapport du GIEC (Groupement Intergouvernemental d’Experts sur le Changement Climatique) indique que le changement climatique représente désormais la première cause des conflits régionaux et des migrations humaines forcées. En outre, le processus de déterritorialisation s’associe également aux politiques communes que les pays s’engagent à respecter pour la stabilité économique et pour la synchronisation de grands défis sociaux. Les parties se sont fixé un objectif à long terme réellement ambitieux (en dessous de 2°C) qui suppose un effort commun. Il soulève la question des financements. À ce titre, l’accord de Paris fixe l’obligation aux pays développés de fournir un financement aux pays pauvres afin de les aider à lutter contre le réchauffement climatique. A partir de 2020, 100 milliards de dollars leur seront donc octroyés chaque année. En outre, les pays en développement sont invités à les financer également sur la base du volontariat.
Cet accord universel entrera en vigueur une fois que les 55 pays comptant pour au moins 55% des émissions mondiales auront déposé leurs instruments de ratification. Cependant, ce texte a adopté l’INCDs (INDCs, Intended Nationally Determined Contributions) pour les réductions des émissions de GES des États. Avec la mise en vigueur de ces moyens, les pays déterminent volontairement leurs contributions en fonction de leurs capacités, du contexte économique et de leurs priorités nationales. Autrement dit, ce traité très ambitieux, n’est au demeurant guère contraignant sur le plan juridique. À l’avenir, si l’on espère un effet performatif, il faudra donc surtout compter sur les attentes respectives des acteurs qui sont parvenus à imprimer leur marque.

Références
Aykut Stefan C. et Dahan Amy, Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales, Presses Paris, Science po, 2015.
Chao Weiting, « Le triomphe dommageable des passagers clandestins. La conférence de Doha », in: Josepha Laroche (Éd.), Passage au crible, l’actualité internationale 2012, Paris, L’Harmattan, 2013, pp. 111-115.
Smouts Marie-Claude (Éd.), Les nouvelles relations internationales : pratiques et théories, Paris, Presses Paris, Science po, 1998.

PAC 140 – Frapper les Occidentaux en frappant le Burkina Faso L’attentat de Ouagadougou du 16 janvier 2016

Par Philippe Hugon
Passage au crible n° 140

Après avoir été un modèle de transition démocratique, le Burkina Faso a été à son tour frappé par un attentat de grande ampleur, à Ouagadougou le vendredi 16 janvier 2016. On déplore au moins 30 morts de plus de 14 nationalités différentes. Cet attentat intervient deux mois après celui de Bamako (Hôtel Radisson Blu). Il a été revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) qui l’a attribué au groupe Al Mourabitoune du chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar. Les forces spéciales françaises sont intervenues en liaison avec les troupes burkinabés et américaines pour libérer les otages de l’hôtel Splendid et éliminer les assaillants.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique
Pays sahélien enclavé, le Burkina Faso dispose de frontières poreuses : au Sud, la Côte d’Ivoire ; au Nord, le Mali et le Niger. L’un des pays les plus pauvres du monde, il se trouve dans une zone connaissant de nombreuses vulnérabilités liées à l’explosion démographique, au poids croissant de jeunes sans perspectives, aux aléas climatiques et à l’impossibilité de contrôler ses frontières.
Dirigé par Blaise Compaoré durant 27 ans, cet État a ensuite connu une grave crise politique. Longtemps, son président avait pourtant su jouer un rôle d’intermédiaire entre les groupes djihadistes et leurs cibles. Il avait conclu un pacte implicite de non-agression avec les islamistes et ainsi pu servir de médiateur lors de la libération d’otages. Dans le système néo-patrimonial qu’il avait mis en place, les ressources mobilisées grâce à certaines alliances et au contrôle de trafics divers, lui permettaient de financer le jeu politique sur le plan interne. Mais Blaise Compaoré a finalement perdu le pouvoir après avoir voulu modifier la constitution qui lui aurait permis de briguer un nouveau mandat.
Fin octobre 2014, la mobilisation des jeunes a conduit en quelques jours au départ du « président à vie ». Le mouvement « balai citoyen » a alors représenté un exemple de « printemps africain ». Un gouvernement de transition qui devait conduire aux élections législatives et présidentielles du 11 octobre 2015 a alors été mis en place. Mais le clan politico-militaire et affairiste de Compaoré a voulu prendre sa revanche en fomentant le coup d’État raté du 17 septembre 2015 emmené par Gilbert Diendéré. L’armée loyaliste a finalement obtenu la reddition des putschistes. Le processus de transition démocratique s’est alors poursuivi. Après avoir été retardées, les élections présidentielles ont été gagnées au premier tour le 29 novembre 2015 – avec 53,49% des voix – par l’ancien Premier ministre de Blaise Compaoré, Roch Marc Kaboré.
L’attaque terroriste a eu lieu trois jours après la formation du ministère et le jour même où les autorités judiciaires du Burkina Faso lançaient un mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, accusé d’avoir participé à la tentative de coup d’État. Surtout, elle est survenue alors que le Burkina Faso était en train de reconstruire son système de sécurité après l’affaiblissement du RSP (Régime de Sécurité Présidentielle) et des services de renseignement.

Cadrage théorique
Les attentats du Burkina Faso renvoient à deux principales lignes de force transnationales :
1. Une reconfiguration des forces islamistes. L’attentat, attribué à Al-Mourabitoune permet à ce groupe de bénéficier d’une importante visibilité médiatique. Il témoigne en outre d’une extension territoriale de ses interventions. Enfin, sur fond d’alliances et d’antagonismes en son sein même, il confirme l’allégeance que cette organisation prête désormais à Aqmi en rivalité avec l’État islamique.
2. Une stratégie de disqualification des forces occidentales. Au-delà du Burkina Faso, cette action djihadiste vise la France dans ses intérêts économiques, ses expatriés et son intervention militaire. À titre symbolique, il n’est pas anodin de souligner que cette opération a été déclenchée dans une ville où sont installés les services de renseignements et les forces spéciales françaises et américaines. Frapper Ouagadougou, revient ainsi à mettre en relief le point névralgique du renseignement (opération Sabre, DGSE, renseignement militaire) dans le dispositif Barkhane.

Analyse
Les attentats sont liés à des stratégies de groupes islamistes qui ont recruté des jeunes originaires de différents pays africains. Ils se sont accentués depuis quatre ans dans l’espace sahélo-saharien. Dans le cas présent, les assaillants étaient de très jeunes Peuls, Touaregs et arabes originaires du nord du Burkina Faso. En effet, les jeunes désœuvrés de ces régions ont le choix entre petites activités informelles, trafics et recrutement par des milices. Les enquêtes dont on dispose montrent toutefois que ce terreau conduit les milices djihadistes à pratiquer des recrutements hétérogènes, sur le plan socio-économique, scolaire, voire ethnique et religieux. C’est pourquoi les grandes organisations terroristes comme Al Qaïda et l’État islamique se retrouvent en rivalité permanente quant au recrutement et aux stratégies.
Al Mourabitoune, qui a revendiqué les attentats de Ouagadougou, est affiliée à Aqmi même si une faction a déclaré qu’elle l’était à l’Etat islamique. Après avoir été membre d’Al-Qaïada, son chef, Mokhtar Belmokhtar avait rompu avec Aqmi et fusionné avec les Signataires du sang et le groupe Mujao. Puis, il a fait de nouveau allégeance à Al-Qaïda et est désormais considéré comme le Ben Laden du Sahara. À ce titre, on lui attribue la responsabilité des attentats d’In Amenas (Algérie), de Arlit au Niger et du Radisson Blu à Bamako. D’autres groupes sahéliens apparaissent proches d’Al-Qaïda tels les shebabs de Somalie, le FLM (Front de libération du Masina) peul au Mali, Ansar Eddine du Touareg Ag Ghali au Mali.
Au-delà de la référence au salafisme et au takfirisme, il s’agit de groupes terroristes qui contrôlent des trafics. Par exemple, Al Mourabitoune a pris des otages à des fins de rançon et a participé à des trafics de cigarettes. Il a ensuite refusé l’affrontement direct avec les forces de sécurité pour mieux se reconstituer en armements et en hommes. Grâce à cette stratégie, il peut aujourd’hui disposer d’une grande capacité d’action lui permettant de rivaliser avec l’État islamique.
Ces menées terroristes ont frappé en priorité des expatriés. Mais par-delà ces victimes et la déstabilisation des pays africains, ils visent en fait à susciter une terreur telle qu’elle inciterait les Occidentaux – investisseurs et humanitaires – à quitter le Burkina Faso. En l’occurrence, il s’agit aussi de souligner l’impuissance relative des grandes puissances. En effet, l’opération Barkhane, appuyée par les forces africaines et multilatérales, a certes empêché le contrôle territorial des djihadistes dans l’arc sahélo-saharien. Mais dans le même temps, il est certain aussi qu’elle a facilité la dissémination de nombreux groupuscules au sein de ce vaste espace.
Les objectifs de ces attentats s’avèrent pluriels. Ils témoignent des rivalités entre groupes djihadistes pour contrôler des trafics et recruter de nouveaux affidés. Ils visent également à gagner des guerres médiatiques en mondialisant la peur. Ils ont pour finalité d’accroître la vulnérabilité des pays occidentaux ciblés en les dissuadant d’être présents dans la zone saharo-sahélienne.

Références
Hugon Philippe, Géopolitique de l’Afrique, 3e ed, Paris, SEDES 2013.
Jacquemot Pierre, « Les trois paradoxes du Burkina Faso, Lettre de l’IRIS, 2 nov 2014.
Serge Michailof, Africanistan, Paris Fayard 2015.

PAC 139 – Le redéploiement international d’une économie émergente Les prêts chinois à l’Algérie

Par Moustafa Benberrah
Passage au crible n° 139

YuansSource: Pixabay

Le samedi 18 octobre 2015, le ministre algérien du Commerce, Bekhti Belaïb, a annoncé que son gouvernement avait sollicité un prêt auprès de la RPC (République Populaire de Chine) pour financer « certains grands projets d’infrastructures ». Son homologue de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchareb, a ajouté le même jour que des négociations étaient en cours au sujet d’un projet algéro-chinois de montage de véhicules. Ce faisant, ce responsable politique a lancé un appel à développer les activités de sous-traitance des pièces de rechange en Algérie, en rappelant l’importance de l’expérience chinoise dans ce domaine. Lors d’une conférence de presse organisée conjointement avec Lyu Xinhua, Président du Conseil pour la promotion de la coopération Sud-Sud de la Chine, Abdessalem Bouchareb a même encouragé les firmes chinoises à participer à l’exploitation du gisement de fer de Gara Djebilet (Tindouf) qui exige une technologie de pointe et des ressources considérables sur le plan financier.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique
Mentionnons en premier lieu quelques éléments conjoncturels permettant de comprendre le recours de l’Algérie à l’endettement. Selon les chiffres de la Banque d’Algérie, la dette extérieure du pays est estimée à 3,7 milliards de dollars (2,27 % du PIB (Produit Intérieur Brut)) alors que les réserves de change s’élevaient en juin dernier à 159 milliards de dollars.
D’une part, la chute des prix du pétrole a affecté l’économie algérienne fondée principalement sur le secteur des hydrocarbures, ce qui a conduit le gouvernement à geler de nombreux projets de développement. Une augmentation des prix de l’électricité et du carburant a ainsi été décidée dans le cadre de la loi de finance 2016. Par ailleurs, l’article 66 de ce texte prévoit l’ouverture du capital des entreprises publiques et la cession totale à leurs partenaires au bout de cinq ans, ce qui relance la dynamique de privatisation. En guise de justification, le ministre des finances évoque une gestion « prudente » des ressources de l’État.
D’autre part, il convient de noter le ralentissement de la croissance du PIB chinois : d’après les chiffres officiels publiés en octobre 2015, celle-ci est estimée à 6,9% sur un an au troisième trimestre de l’année. Or, il s’agit de la plus faible performance de la deuxième économie mondiale depuis la crise financière de 2009. Cela signifie qu’elle se trouve en difficulté. La production industrielle qui a connu en septembre dernier une diminution très sensible le montre très clairement. Ainsi, les ventes de détail considérées comme le baromètre de la consommation des ménages chinois, n’ont connu qu’une très légère accélération, avec une augmentation limitée à 10,9% en 2015. Cette stagnation a conduit par conséquent la République Populaire à intensifier ses échanges avec certains de ses partenaires, à l’instar de l’Algérie. Elle a notamment cherché à diversifier ses activités au-delà du BTPH (Bâtiment, travaux publics et hydrauliques), en se tournant par exemple vers les industries mécanique et électronique, la sidérurgie ou bien encore les mines.

Cadrage théorique
1. La monétisation d’une économie émergente. Nous assistons aujourd’hui à une délégation de plus en plus fréquente des fonctions régaliennes à des intermédiaires, doublée d’une division des prérogatives : d’un côté, la transformation des moyens de production et de transport, et de l’autre, la monétisation et la financiarisation de l’économie. À cet égard, le détenteur du capital impose sa domination en disposant du pouvoir d’imposer ses conditions.
2. Un partenariat gagnant-gagnant. Face à l’éclatement de sa bulle financière, la Chine cherche à consolider ses partenariats afin de maintenir son dynamisme économique. Rappelons qu’une telle relation repose sur la spécialisation postcoloniale établie entre les fournisseurs de matières premières et les pourvoyeurs de produits manufacturés ou de services. Cette logique laisse entrevoir un redéploiement chinois en Afrique et en Asie caractérisé par des pratiques de chevauchement (straddling), excluant toute distinction entre public et privé, État et marché, réseaux de pouvoir et d’accumulation économique.

Analyse
Il convient de signaler que les pays émergents, dont la Chine, sont fortement frappés par la troisième phase de la crise financière mondiale, qui a débuté en 2007. Cette séquence qui coïncide avec l’effondrement des prix de matières premières, fait suite à l’éclatement de la bulle immobilière intervenue aux États Unis en 2008 et à ses impacts sur la dette européenne en 2011. Selon le cabinet Goldman Sachs, « l’incertitude accrue quant aux retombées de l’affaiblissement des économies des pays émergents, la chute des prix des matières premières et potentiellement la hausse des taux d’intérêt américains ont soulevé de nouvelles inquiétudes quant à la pérennité de la hausse des prix des actifs, marquant une nouvelle étape de la crise financière mondiale ».
Pour faire face à cette situation, la République Populaire cherche à renforcer ses liens commerciaux avec ses partenaires afin de répondre aux impératifs d’une concurrence mondialisée. C’est pourquoi, elle transnationalise ses activités afin de créer une cohérence entre politiques nationales et exigences internationales. Citons la création le 29 juin 2015 de la BAII (Banque Asiatique d’Investissement dans les Infrastructures) qui exige la mobilisation de 800 milliards de dollars d’investissements par an. Cette initiative exprime l’ambition chinoise de proposer une alternative à des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement. Un tel dispositif répond pour la RPC à trois nécessités : 1) renforcer son rôle diplomatique, 2) placer ses réserves de change afin de conforter le yuan et 3) offrir à ses groupes de BTPH des relais transnationaux de croissance. Cette politique s’inscrit dans la continuité du processus de la nouvelle route de la soie, un fonds chinois estimé à 40 milliards de dollars, et de la banque des BRICS (Brésil, Russie, Chine et Afrique du Sud). Mais si ces médiateurs disposent d’un pouvoir structurel qui renforce bien leur ascendant politique et leur légitimité, Philip Cerny constate toutefois que le Competition State résiste et entretient sa domination à travers les partenariats publics-privés. Dans cette perspective, le gouvernement chinois multiplie les mesures d’aide comme l’effacement des dettes ou des prêts à taux réduits susceptibles d’attirer les pays en développement. À cet égard, les relations privilégiées qu’entretiennent la RPC et l’Algérie depuis 1958 – et le fait qu’elle soit son premier fournisseur en matière de commerce extérieur de l’autre – viennent faciliter ce type de coopération.
Pour justifier son recours à la dette, le gouvernement algérien avance pour sa part la poursuite des grands projets en cours, attribués en majorité à des firmes chinoises employant sur le territoire national plus de 40 000 ouvriers. En outre, les autorités indiquent que cela devrait contribuer à renforcer la production, tout en assurant des revenus indispensables au remboursement de la dette et fournissant des excédents pour couvrir les secteurs en déficit. Soulignons cependant qu’un rapport de la BAFD (Banque africaine de développement), publié en 2012, a montré que l’Algérie avait accordé, entre 2002 et 2012, 20 milliards de dollars de contrats aux entreprises chinoises, sans pour autant que l’emploi en bénéficiât de manière significative.
Par conséquent, des compagnies chinoises telles que la CSCEC (China State Construction Engineering Corp) apparaissent clairement comme les principales bénéficiaires de cette aide financière visant à soutenir l’économie algérienne. Collaborant avec de grandes banques de leur pays d’origine, ces acteurs hors souveraineté occupent désormais une place privilégiée pour répondre aux appels d’offres grâce à des tarifs compétitifs et à leur bonne connaissance des modalités politiques et économiques locales. En revanche, l’économie algérienne ne peut guère se prévaloir de perspectives aussi positives. Bien au contraire, sa dépendance s’en trouve plutôt accentuée.

Références

Cabestan Jean-Pierre, Le Système politique chinois. Vers un nouvel équilibre autoritaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.
Cerny Philip G., Rethinking World Politics: A Theory of Transnational Pluralism, New York, Oxford University Press, 2010.
Chiu Justin, « Une banque multilatérale entre coopération et prédation. La signature des statuts de la BAII », consulté le 12 novembre 2015 sur Chaos International

El Watan consulté le 15 novembre 2015 sur l’adresse : www.el-watan.com
Hibou Béatrice, « Retrait ou redéploiement de l’État », Critique internationale, (1), aut 1998, pp. 151-168.
Hugon Philippe, « La Chine en Afrique. Néocolonialisme ou opportunité pour le développement ? », Revue internationale et stratégique, (72), 2008, pp. 219-230.
Strange Susan, The Retreat of the State. The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.