Daniel Del Castillo Responsable du pôle de traduction espagnol

> Biographie

> Expertise

Biographie

Daniel est spécialiste de Relations Internationales et enseigne à l’Universidad El Rosario de Bogota. Il participe au pôle hispanique de Chaos International depuis sa création en 2009.

Dans les services de la Présidence de la République de Colombie, il occupe les fonctions de consultant pour les affaires internationales au sein du Secrétariat pour la Transparence.

 

Expertise

  • Amérique latine

PAC 162 – La contestation transnationale de l’industrie pétrolière La relance des projets de pipelines américains par Donald Trump

Par Lea Sharkey

Passage au crible n° 162

Plate-forme pétrolière. Pixabay

Deux mois après la signature du presidential memoranda visant à relancer les oléoducs Keystone XL et Dakota Access, le président américain a délivré le 24 mars un permis de construire à TransCanada, maître d’œuvre du pipeline transfrontalier. Quelques mois après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, Donald Trump affiche ainsi son soutien à l’exploitation des énergies fossiles. Il méconnaît par là même les préoccupations environnementales, tout en affirmant vouloir conforter la sécurité énergétique du pays.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique
Proposé en 2008 par la société TransCanada, l’oléoduc Keystone XL devrait transporter le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’au complexe de raffineries du golfe du Mexique. L’oléoduc intra américain Dakota Access, réalisé par l’opérateur Energy Transfer Partner, relierait quant à lui le Dakota du Nord à l’Illinois. Divisant fortement l’opinion, ces infrastructures ont soulevé une opposition sur le plan national. Ces travaux nécessitant une validation présidentielle du fait de leur caractère transfrontalier, le Président Barack Obama avait rejeté définitivement Keystone XL le 6 novembre 2015, consolidant de cette façon un leadership climatique qu’il tentait d’établir en partenariat avec la Chine. Les entretiens bilatéraux menés en amont de la COP21 témoignèrent de cette ligne politique.
Les deux projets suscitent la mobilisation d’acteurs aux orientations et aux moyens divers. Ils signalent les risques environnementaux liés à la possibilité d’une fuite, menaçant les ressources en eau – les tracés se déployant sous plusieurs lacs et rivières – mais aussi la biodiversité locale et la santé publique. La critique porte également sur l’extraction de sables bitumineux, dont la transformation en pétrole implique d’importantes quantités d’énergie, estimées jusqu’à 37% par le think tank canadien Pembina Institute. Les organisations environnementales déplorent enfin un investissement à long terme dans les énergies fossiles au détriment d’autres sources propres, confortant la dépendance au pétrole des États-Unis, alors même que la Chine et l’Inde, grands émetteurs de CO2, sont les premiers Etats à investir dans les énergies renouvelables.
En 2016, l’organisation d’un camp de protestation par la tribu Sioux de Standing Rock a attiré l’attention internationale sur le projet Dakota Access. Le relai de ces campagnes par des associations environnementales telles que Greenpeace ou le Sierra Club, et l’implication des communautés autochtones par-delà les frontières américaines a conféré une envergure mondiale à la contestation, bien que le tracé soit aujourd’hui construit en grande partie.
Si la résistance anti-oléoduc et anti-extraction a pu rencontrer un certain succès sur la scène internationale – citons le tracé du Northern Gateway rejeté définitivement en 2016 par le Premier ministre canadien Justin Trudeau – l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis ouvre la voie à une nouvelle diplomatie climatique et énergétique pour le pays. La réduction drastique du budget américain alloué à l’EPA (Agence pour la Protection de l’Environnement), la nomination de Scott Pruitt, ancien avocat ayant entamé quatorze poursuites à l’encontre de cette même agence, les déclarations climatosceptiques du Président Trump, la nomination de Rex Tillerson, ancien patron du géant pétrolier ExxonMobil à la tête de la diplomatie américaine, le démantèlement du Clean Power Plant et enfin la critique virulente de l’Accord de Paris, redéfinissent substantiellement la position des États-Unis dans l’arène climatique.

Cadrage théorique
1. L’hétérogénéité d’une contestation transnationale. Rassemblements autochtones, associations environnementales ou de citoyens, scientifiques, personnalités engagées, gouvernements de villes et opinion publique forment un réseau d’acteurs transnationaux engagés contre le développement de ces infrastructures. Cette contestation transnationale est identifiée et unifiée sous le terme de « blockadia » par la journaliste et militante environnementale Naomi Klein. Toutefois, sa trame apparaît peu homogène, traversée par des intérêts variés et développant des outils souvent divergents. Elle se heurte par ailleurs aux interdépendances entre milieu politique et milieux d’affaires, rendues explicites dès l’entrée en fonction de Donald Trump.

2. La relance des coopérations bilatérales. Avec le rejet du traité TransPacifique, et la critique exacerbée de l’Accord de Paris, l’administration américaine renoue avec les coopérations bilatérales. Plus généralement, les engagements multilatéraux sont délaissés afin de renégocier les termes des contrats internationaux. Cette réorientation permet à la puissance américaine de mettre en œuvre un rapport de forces direct qui l’avantage en termes de sécurité énergétique et de création d’emplois.

Analyse
Les revendications autochtones s’inscrivent dans la lutte que les communautés indigènes mènent à l’échelle internationale contre l’expropriation des terres et les chantiers d’extraction minière ou hydroénergétiques. Elles sont largement relayées par les associations environnementales. Cependant, au sein des États fédérés les contestataires sont fortement divisés quant à l’utilité économique, la qualité des analyses environnementales et le niveau des compensations envisagées. Si les citoyens restent globalement favorables à une implantation industrielle dans leur région, l’association Bold Nebraska, qui pointe le risque de contamination de l’aquifère Ogallala, s’est mobilisée contre l’expropriation (eminent domain) de nombre de résidents et agriculteurs. De même, la tribu Lakota Sioux s’appuie sur une argumentation culturelle et territoriale pour défendre sa ressource en eau. Ce mouvement indigène a ainsi obtenu de la ville de Seattle, (État de Washington), le « désinvestissement » (divestment) ou retrait de plus de trois milliards de dollars de la banque Wells Fargo en 2018, impliquée dans le financement de l’oléoduc Dakota Access. Sa construction effective a donc été successivement reportée et relancée en fonction de nombreuses batailles juridiques et politiques menées localement par des résistances fragmentées.
Par ailleurs, les militants écologistes issus d’organisations non gouvernementales telles que Greenpeace, Les Amis de la Terre, 350.org ou encore le Sierra Club, s’inquiètent avant tout de l’impact sur le climat d’un investissement à long terme dans l’extraction de ressources fossiles – que représentent indirectement les infrastructures de transport d’hydrocarbures. Ils développent en effet l’argument suivant lequel une partie des réserves de pétrole devrait être gelée afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris entré en vigueur en 2016 et ratifié par les États-Unis. En l’occurrence, la transnationalisation de ce mouvement de résistance repose davantage sur l’aspect hautement symbolique des oléoducs que sur leurs conséquences territoriales et environnementales directes.
Cependant, cette campagne se heurte à un nouveau contexte politique avec l’accession à la présidence des États-Unis de Donald Trump ; le discours de ce dernier ravalant les préoccupations climatiques bien après la question du leadership et de l’indépendance énergétique de son pays. À cette fin, il s’appuie sur une nouvelle administration qui 1) s’autorise la critique du discours scientifique, faisant disparaître jusqu’à la mention même de changement climatique sur le site de la Maison Blanche, 2) affiche son soutien aux lobbies pétroliers en intégrant de nombreuses personnalités issues des milieux d’affaires, et 3) affirme renégocier les engagements de l’État fédéral – à l’instar du contrat signé avec TransCanada – pour maximiser les retombées économiques sur le territoire.
Donald Trump s’affiche comme un climato-sceptique, protectionniste et bilatéral, ce qui va triplement à l’encontre de « l’esprit de Paris », instauré par l’Accord sur le climat de 2016. Faisant voler en éclat le système de confiance et de pression des pairs, le chef de l’exécutif américain semble donc avoir porté un coup définitif à ce traité. Néanmoins, c’est sans compter sur la capacité d’acteurs non gouvernementaux comme certains États fédérés, tels que la Californie, qui entendent décider de leurs propres politiques environnementales en s’impliquant directement dans la gouvernance mondiale du climat.

Références

Gravelle, Timothy B. and Lachapelle, Erick, « Politics, proximity and the pipeline: Mapping public attitudes toward Keystone XL», Energy Policy, 83, issue C, 2015, p. 99-108.
Tarrow Sidney, « La contestation transnationale », Culture et Conflits, 38-39, 2000, p.187-223.
Keck Margareth, Sikkink Kathryn, Activists beyond Borders: Advocacy Networks in International Politics, Ithaca/London, Cornell University Press, 1998.

PAC 161 – L’Union européenne désunie face aux flux migratoires L’afflux incontrôlé de migrants en Méditerranée

Par Catherine Wihtol de Wenden

Passage au crible n° 161

Source: Pixabay

Selon SOS-Méditerranée et MSF (Médecins Sans Frontières), un millier de migrants ont été secourus par les navires humanitaires dans la nuit de samedi 25 mars au dimanche 26 mars 2017 au large de la Libye. Cela porte ainsi à plus de 6 000 le nombre de personnes qui ont dû être secourues en une seule semaine migratoire

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique
En 2015, l’arrivée massive en Europe de demandeurs d’asile venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan et de la Corne de l’Afrique a fragilisé les valeurs fondamentales de solidarité et de droits de l’homme sur lesquelles est fondée l’Union européenne. Des valeurs rappelées dans le Traité Constitutionnel de l’Union européenne de Lisbonne qui a été conclu en 2007. En mai 2015, un premier appel avait été lancé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, enjoignant les pays de l’Union à se partager 40 000 réfugiés en vue de leur réinstallation dans les vingt-huit États membres. Mais il s’est heurté à un refus catégorique de ces derniers. Le quota étant déterminé en fonction de la population de chaque pays et de sa richesse, pour la France, il s’agissait de recueillir quelque 13 000 personnes. Cela impliquait un calcul rationnel pour chacun des vingt-huit selon des critères définis par le Bureau européen d’Appui aux réfugiés de Malte (EASO). Faisant suite à l’engagement allemand de recevoir 800 000 demandeurs d’asile, ce pays a reçu plus d’un million de nouveaux venus en 2015, dont plus d’une moitié de demandeurs d’asile. Quant aux pays européens de l’Ouest, ils ont accepté la nouvelle proposition formulée par Jean-Claude Juncker en septembre 2015, exigeant la réinstallation obligatoire de 160 000 demandeurs d’asile, soit 30 000 pour la France (qui en fait en a reçu à peine la moitié). Mais dans un climat de montée des extrêmes-droites, les pays d’Europe centrale et orientale, dits de Visegrad – Hongrie en tête, suivis de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Pologne – ont décliné l’appel, considérant qu’ils appliquaient déjà le droit d’asile et que l’arrivée de nouveaux venus risquait de porter atteinte à l’homogénéité ethnique et culturelle qu’ils souhaitaient réaliser dans leurs pays respectifs.

Cadrage théorique
1. Crise de solidarité. La solidarité représente une valeur-clé de l’Union européenne et de sa citoyenneté. Elle a présidé aux politiques d’aide régionale qui ont bénéficié aux nouveaux entrants grâce aux fonds structurels européens. Inscrite dans le traité de Lisbonne, elle s’appuie sur de nombreux précédents mis en scène dans les relations internationales : aide au développement, construction d’espaces régionaux de circulation, de travail et d’échanges commerciaux. Elle suppose aussi une certaine convergence de vues entre les partenaires étatiques. Dans une perspective de paix, le solidarisme de Léon Bourgeois a tenu lieu de philosophie de l’équilibre après la Première Guerre mondiale. Or dans la crise de 2015, c’est la confiance qui a fait défaut entre les États européens. De la même façon, qu’elle a posé problème entre l’Union et ses membres. Cette dégradation intervenant dans un climat de montée des souverainismes et de poussée de l’extrême-droite. Plusieurs pays européens ont alors décidé de fermer leurs frontières pour se protéger sur le plan national en application du code Schengen, une disposition qui est permise en temps de crise et durant une période déterminée.
2. Une politique de fuite en avant. Il peut paraître surprenant de constater que l’Europe a besoin de garde-frontières pour se protéger des flux migratoires. En effet, elle ne parvient pas à gérer sa politique d’immigration et d’asile sans faire appel à la Turquie ou encore la Libye. Par ailleurs, d’autres pays comme le Maroc ont été sollicités de longue date pour accepter des accords multilatéraux avec l’ensemble de l’Union européenne (ce que le Maroc a refusé pour préserver ses relations diplomatiques avec ses voisins d’Afrique de l’ouest). Comme les arrivées se présentent de plus en plus comme des migrations en chaîne, chaque pays aux portes de l’Europe devient à son tour pays d’immigration et de transit, alors qu’auparavant, il n’était qu’un pays de départ. Jusqu’où peut donc aller ce processus ? Soulignons combien les analyses relatives à l’externalisation des frontières à distance sont dépassées depuis bien longtemps. En effet, les accords d’éloignement des sans-papiers et déboutés du droit d’asile peinent à être mis en œuvre en raison de la réticence des pays de départ à accepter les reconduites que l’Europe leur propose.

Analyse
La crise de 2015 a suscité nombre de tensions entre les pays européens. Une crise est-ouest, mais aussi sud-nord. Les pays d’Europe de l’ouest considéraient que les pays d’Europe du sud – Italie et Grèce – avaient tendance à négliger de tamponner les passeports et à faire passer les migrants et demandeurs d’asile vers d’autres pays voisins pour ne pas avoir à appliquer le régime de Dublin II («one stop, one shop »). Ceci obligeait les premiers pays d’arrivée à traiter les nouveaux entrants comme demandeurs d’asile sur leur territoire. Ces États ont développé des politiques d’accueil associant des acteurs privés, comme les ONG et associations, aux politiques publiques traditionnelles.
Pour alléger le poids des migrants en Grèce à la suite des arrivées massives provenant de la « route des Balkans » à travers la frontière gréco-turque, l’Union européenne a décidé, à l’initiative d’Angela Merkel, de conclure un accord avec la Turquie, signé en mars 2016. Or la Turquie – consciente de la place stratégique qu’elle représente – a demandé en échange du maintien sur son territoire des réfugiés, la suppression des visas pour les Turcs, la reprise des négociations d’entrée dans l’Union européenne ainsi que le versement de six milliards de dollars pour l’accueil des réfugiés syriens, irakiens, afghans et ceux de la corne de l’Afrique. Un curieux échange de réfugiés contre des sans-papiers syriens pour 72 000 personnes entre la Turquie et la Grèce a également été ajouté.
Il convient de rappeler que la Turquie est signataire de la Convention de Genève sur l’asile. Mais Ankara a maintenu sa réserve géographique à l’égard des seuls Européens, comme lors de la Guerre froide car elle est entourée par des pays non signataires de la Convention de Genève. Ceci explique que nombre de Syriens cherchent à passer en Europe pour consolider leur statut de réfugiés au lieu de recevoir en Turquie un titre de séjour de courte durée assorti d’un permis temporaire de travail. D’autant plus que ce pays abrite près de 5 millions de nouveaux venus. L’accord a eu pour effet de diminuer l’afflux vers la Grèce. En revanche, il a augmenté à nouveau le nombre des arrivées de sub-sahariens vers les îles siciliennes. Les associations de défense des droits de l’homme et les ONG ont critiqué l’accord UE/Turquie, considérant que la Turquie n’est pas un pays sûr pour les réfugiés, même si l’Union européenne semble entériner la thèse contraire. En novembre 2016, l’Europe a alors cherché à nouveau, avec le sommet de La Valette, à conclure un accord de réadmission avec la Libye, un pays sans gouvernement et peu respectueux des droits de l’homme, plus dangereux encore à traverser que le passage de la Méditerranée. On peut par conséquent se demander jusqu’où les Européens iront dans la poursuite de cette politique qui fait de chaque État riverain de l’Europe, un pays d’immigration et de transit, alors que la crise apparaît en fait multiforme.
Une réouverture des frontières aux migrations de travail dans les secteurs en tension aurait été plus à même de départager les flux dits mixtes entre demandeurs d’asile et migrants à la recherche de travail. En outre, elle diminuerait le nombre de morts et l’importance des trafics du passage en méditerranée.

Références

Jaffrelot Christophe, Lequesne Christian (Éds.), L’enjeu mondial : Les migrations, Paris, Les Presses de sc Po, 2009.
Rodier Claire, Portevin Catherine (Éds), Migrants & réfugiés, Paris, La Découverte, 2016.
Wihtol de Wenden Catherine, Benoît-Guyod Madeleine (Éds.), Atlas des migrations : Un équilibre mondial à inventer, 2e éd., Paris, Editions Autrement, 2012.

PAC 160 – La pollution mortifère des océans par les microplastiques Le rapport de l’UICN, 22 fév. 2017

Par Valérie Le Brenne

Passage au crible n° 160Pixabay

Le 22 février 2017, l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) a publié un rapport consacré à la pollution des océans par les microplastiques. Selon l’organisation, ces particules invisibles – d’un diamètre inférieur à 5 mm – représenteraient 15 à 30% des 9,5 millions de tonnes de plastique qui se déversent chaque année en mer.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique
Rappelons que les premiers polymères artificiels ont été créés durant la seconde moitié du XIXe siècle. En 1907, le chimiste américain d’origine belge Leo Hendrik Baekeland met au point la bakélite qui trouve rapidement des applications dans le secteur productif. Par la suite, les progrès de la chimie se traduisent par le développement de nouvelles molécules, à l’instar du nylon qui est synthétisé pour la première fois en 1935 par Wallace Hume Carothers de l’Université de Harvard.
Ces avancées inaugurent une nouvelle industrie qui connaît un essor fulgurant après la Deuxième Guerre mondiale. À telle enseigne que ce matériau devient l’un des symboles de la société de consommation qui émerge à partir des années cinquante. À cette époque, les biens à durée de vie limitée – stylos billes, briquets jetables, couches pour bébés etc. – inondent le marché et bouleversent les pratiques des ménages. Entre 1950 et 2014, la production mondiale de plastique passe ainsi de 1,7 à plus de 300 millions de tonnes par an.
En 1997, le navigateur américain Charles Moore, empruntant une route habituellement évitée par les skippers, découvre par hasard une immense nappe de déchets dans le gyre du Pacifique Nord. Précisons que ces vortex se forment naturellement sous l’influence des courants et de la rotation de la terre. Suivant le principe de Coriolis, ils exercent une force centripète, ce qui explique la très forte concentration d’éléments en leur centre.
Partant de ce constat, plusieurs expéditions ont été conduites afin de mesurer l’ampleur, déterminer les origines et comprendre les conséquences de cette pollution sur l’environnement marin. Baptisée « septième continent », cette zone occupe une surface comprise entre 1,5 et 3 ,5 millions de km2. On estime que la densité de plastique y est de 5 kg par km2 sur une profondeur moyenne d’environ 10 mètres. Quatre sources ont été identifiées : 1) Les débris directement rejetés en mer, en particulier le matériel de pêche perdu ou sciemment abandonné, 2) Ceux issus des navires, 3) Les ordures qui proviennent du continent, notamment à cause des activités touristiques sur les côtes, et 4) Les rejets d’eaux usées qui, en période de fortes précipitations, déversent toutes sortes de détritus dans les rivières.
Une fois emprisonné à l’intérieur de ces tourbillons, le plastique est agglutiné et progressivement fractionné. Les déchets de taille importante présentent une forte létalité sur la faune aquatique et des tortues peuvent, par exemple, s’étouffer avec les sacs ou être capturées par les engins de pêche dits « fantômes ». Mais les microparticules s’avèrent tout aussi néfastes car elles sont ingérées par les organismes les plus petits (krill, plancton etc.). Enfin, signalons qu’elles retiennent toutes sortes de substances toxiques, ce qui démultiplie la contamination.

Cadrage théorique
1. La globalisation d’une pollution invisible. Plusieurs missions de recherche ont établi la présence d’îlots similaires en Atlantique, en Méditerranée et dans l’Océan indien. Ainsi, cette souillure invisible connaît-elle un double processus de globalisation. Non seulement elle con-cerne désormais l’ensemble des régions océaniques, mais elle affecte en outre tous les niveaux trophiques.

2. La décontamination, un défi politique et technologique. Bien que les effets des micro-plastiques ne soient pas entièrement connus, il apparaît néanmoins indispensable de lutter contre ce fléau à grande échelle. À ce titre, deux leviers sont mobilisés : 1) le nettoyage en mer qui exige des innovations en matière de filtrage et 2) la lutte contre les rejets impliquant une réduction drastique de l’usage des plastiques et leur substitution par des matériaux biodégradables.

Analyse
Le rapport publié par l’UICN tire pour la énième fois la sonnette d’alarme à propos d’un problème connu depuis longtemps. Par ailleurs, il apporte des connaissances inédites. En particulier, les auteurs identifient plusieurs pratiques courantes comme étant des sources majeures de contamination (cosmétiques, lessives, pneus etc.). En outre, ils rapportent un autre phénomène inquiétant en Arctique : le plastique congelé abaisse le point de fusion de la glace ce qui accélère la fonte de la banquise. En fait, cette étude montre surtout combien il s’agit d’un risque global. Ses origines diverses, son étendue, ses conséquences multi-scalaires et son imprévisible combinaison avec d’autres menaces environnementales en font aujourd’hui un véritable désastre écologique.
Signalons que ce document a été publié à l’occasion du quatrième sommet mondial sur les océans qui s’est tenu à Bali du 22 au 24 février 2017. À l’issue de cette rencontre, le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) a lancé une campagne baptisée #Oceans-Propres qui prévoit d’éliminer les microbilles présentes dans les cosmétiques et de lutter contre l’utilisation excessive de plastique à usage unique pour l’horizon 2022. Dix pays s’y sont engagés : la Belgique, le Costa Rica, la France, Grenade, l’Indonésie, la Norvège, le Panama, Sainte-Lucie, la Sierra-Leone et l’Uruguay. De surcroît, cette publication intervient quelques mois avant la tenue, en juin prochain, de la conférence des Nations unies sur la mise en œuvre de l’ODD 14. Dédié à la protection de la vie aquatique, cet objectif de développement durable se décline en dix cibles dont la première vise à « prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres, y compris les déchets en mer et la pollution par les nutriments ».
Longtemps absents des discussions internationales sur l’environnement, les océans sont de plus en plus intégrés aux différentes négociations. En témoigne leur inscription in extremis en annexe de l’accord conclu à Paris à l’issue de la COP21 en décembre 2015 (PAC 138). Toutefois, cet intitulé rassemble des problématiques extrêmement variées, telles que l’acidification, la dégradation des écosystèmes, la surpêche etc. Par conséquent, les enjeux d’inscription sur l’agenda de ces thèmes concurrents demeurent cruciaux et suscitent des luttes de cadrage.
Effectivement, une partie de la solution passe certes par la mise au point de nouvelles technologies. Cependant, il convient également de déployer des politiques qui limitent la pro-duction et le rejet de ces déchets. Telle est la finalité de la directive européenne 2015/720 qui régule l’usage des sacs plastiques. Mais l’instauration de ce type de règles sur le plan mondial nécessite une coopération efficace qui semble actuellement difficile à mettre en oeuvre, sachant les freins constants au multilatéralisme. En fait, l’arsenal déclaratif paraît en l’état insuffisant, compte tenu des risques qui pèsent sur des environnements dont les services écosystémiques commencent tout juste à être appréciés (production d’oxygène, puits de carbone, régulation du climat etc.).

Références
Boucher Julien, Friot Damien, Primary Microplastics in the Oceans: A Global Evaluation of Sources, Gland, UICN, 2017.
Le Monde.fr, « Les océans pollués par des particules invisibles de plastique », 22 février 2017.
Victor Jean-Christophe, Le Septième continent de plastique, ARTE, Le Dessous des Cartes, 2012.

La chatte CinéRI

Cadrage socio-politique

La chatte

Date de sortie : 1958

Réalisation : Henri Decoin

Distribution : Françoise Arnoul, Bernard Blier, Mario David, Roger Hanin, Kurt Meisel, André Versini, Bernhard Wicki.

Pour aller plus loin :

Carré Mathilde, J’ai été « La Chatte », préface d’Albert Naud, Paris, éditions Morgan, 1959.

Carré Mathilde, On m’appelait la Chatte, Paris, Albin Michel, 1975.

Decoin Didier, Henri ou Henry : Le roman de mon père, Paris, Seuil, 2007.

Douzou Laurent, La Résistance française : une histoire périlleuse, Paris, Seuil, 2005.

Rémy Jacques, La Chatte, Paris, Paris, Éditions de Paris, 1958.

 

Texte de présentation : Josepha Laroche

Réalisation : Adrien Cherqui