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PAC 32 – Le G20 entre échec et construction d’une gouvernance mondiale Le sommet de Séoul du 11 et 12 novembre 2010

Par André Cartapanis

Passage au crible n°32

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Le Sommet du G20 qui s’est tenu à Séoul, les 11 et 12 novembre 2010, a fait l’objet de commentaires quelque peu désabusés. Après celui de Washington (15 novembre 2008), qui avait pour ambition de refonder le capitalisme et de préparer un nouveau Bretton Woods, on attendait de cette dernière réunion, une maîtrise accrue des distorsions de taux de change, souvent qualifiées de guerre des monnaies. Enfin, on espérait également l’ébauche de nouvelles règles en matière monétaire. Or, sur ce plan, le bilan du G20 apparaît extrêmement décevant. Cependant, les chefs d’État ou de gouvernement ont tout de même approuvé les contours d’une réforme de la réglementation financière qui s’avère ambitieuse. Mais son application ne sera toutefois effective, qu’en 2019.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique

Dès le déclenchement de la crise systémique, à l’automne 2008, les chefs d’État ou de gouvernement ont très vite initié une action collective en adoptant un vaste plan de consolidation des systèmes financiers pour éviter qu’un tel scénario ne puisse se reproduire à l’avenir. Le G20 de Washington a ainsi approuvé un Plan d’action qui s’apparente à un programme d’extension et d’approfondissement des règlementations s’appliquant aux intermédiaires financiers. Le 2 avril 2009, cette feuille de route a été approfondie lors du Sommet du G20 de Londres, afin de rendre opérationnelles, les options retenues à Washington. Les Sommets de Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009, et de Toronto, les 26 et 27 juin 2010, ont poursuivi la tâche, sans inflexion majeure sur le plan des objectifs financiers. Dans le même temps, ils ont élargi les discussions à la gouvernance des institutions internationales – le FMI en particulier – et à la coordination des politiques macroéconomiques et des politiques de change. Dernier en date, le Sommet de Séoul, a élaboré une nouvelle Déclaration incluant un Plan d’action portant sur une coordination accrue des politiques monétaires et de taux de change. Ce texte approuve les propositions du Conseil de stabilité financière et du Comité de Bâle sous la forme d’un nouvel ensemble de standards macroprudentiels – désormais dénommés Bâle III – qui doit s’appliquer aux banques.

Cadrage théorique

1. Déséquilibres globaux et guerre des monnaies. La crise financière est pour partie liée aux déséquilibres globaux de balances des paiements qui se sont accumulés depuis les années 2000 entre les pays émergents (Chine, Russie, OPEP) et l’économie américaine. En effet, l’accumulation de réserves officielles en dollars a rendu possible une expansion très vive de la liquidité internationale. Elle s’est en outre accompagnée de distorsions de taux de change, certaines monnaies se trouvant sous-évaluées – comme le yuan – tandis que le dollar demeurait dans une situation de surévaluation pesant sur la compétitivité américaine. Quant à l’euro, il s’est maintenu dans la même situation qu’avant la crise. Cette configuration a été imputée à la politique chinoise de change car celle-ci vise effectivement un ancrage du yuan vis-à-vis du dollar qui favorise un processus de croissance tiré par les exportations. Or, on retrouve aujourd’hui des distorsions comparables, certains pays – Chine, Allemagne, Japon – continuant à enregistrer de très importants excédents de balances des paiements courants qui alimentent des transferts massifs de capitaux et entretiennent la surévaluation de certaines monnaies, en Asie et en Amérique latine. Cela provoque alors dans ces économies de nouvelles bulles spéculatives sur les marchés d’actifs financiers ou dans l’immobilier. D’où l’idée de limiter ces déséquilibres globaux dans un cadre coopératif, par exemple, selon la proposition du Secrétaire au Trésor américain, Tim Geithner. En l’espèce, il s’agirait d’imposer un ajustement des politiques macroéconomiques dès que ces déséquilibres dépassent le seuil de 4% du PIB, en situation d’excédent ou de déficit des paiements courants. Une autre option consisterait à laisser les taux de change s’ajuster en fonction des forces du marché afin de neutraliser les risques de guerre des monnaies et de manipulation des taux de change.
2. Réglementation macroprudentielle. La réglementation prudentielle qui s’applique aux banques a pour fonction de brider les comportements à risque et de minimiser la probabilité de crise en visant deux objectifs. Elle doit contribuer à la sécurité de chaque intermédiaire bancaire afin de protéger les déposants ou les investisseurs, face à d’éventuelles défaillances individuelles. Telle est la dimension traditionnelle de dispositifs prudentiels – qualifiés de microprudentiels et dénommés Bâle I ou Bâle II – qui cherchent à limiter le risque de détresse financière pour des institutions individuelles, indépendamment de leur impact sur le reste de l’économie. Mais la réglementation bancaire doit également stabiliser le système monétaire et financier dans son architecture globale, compte tenu de ses fonctions macroéconomiques. Autrement dit, elle a pour objet de contenir le risque systémique. On voit donc bien ainsi que la finalité d’une telle approche macroprudentielle consiste à assurer la stabilité et la continuité des échanges au sein de la sphère financière, même si elle implique aussi de limiter les sources de surendettement. Enfin, elle vise à juguler tout risque de détresse financière qui induirait des pertes significatives en termes de croissance, comme ce fut le cas par exemple avec la crise systémique de 2008-2009.

Analyse

Dans le domaine de la coordination des politiques monétaires ou de change, le Sommet de Séoul constitue un échec. En effet, aucun accord politique n’a été possible, la Chine y étant opposée aussi bien sur la réduction des déséquilibres globaux, que sur la gouvernance mondiale du système monétaire et les politiques de change. Plutôt que d’adopter de nouvelles règles, les participants se sont donc modestement contentés de confier au FMI le soin d’approfondir la réflexion sur la compatibilité globale des politiques macroéconomiques. En revanche, en ce qui concerne les réglementations prudentielles, le G20 de Séoul marque de réels progrès, insuffisamment soulignés. Le nouveau dispositif macroprudentiel, que l’on dénomme déjà Bâle III, prévoit d’augmenter significativement les provisions en capitaux propres des banques et d’introduire de nouveaux ratios –de liquidité et de levier – qu’elles devront impérativement respecter. Autant de mesures qui sont de nature à limiter les prises de risques – illiquidité, insolvabilité, transformations d’échéances – des banques. Quant aux risques de contagion et de défaillances bancaires en cascade, plusieurs lignes d’action ont été arrêtées : 1) réduire l’importance systémique de certains établissements en plafonnant leur taille ou en restreignant la gamme de leurs opérations sur les marchés d’actifs; 2) renforcer le provisionnement en fonds propres en fonction du risque systémique porté par un établissement ; 3) élargir le périmètre de la réglementation prudentielle à des établissements –comme les Hedge Funds – ou des produits financiers – tels les dérivés – qui y échappaient encore jusqu’ici. Á l’avenir, en fonction de leur contribution au risque systémique certaines banques –qualifiées de too big to fail – devraient donc être assujetties à des provisions plus élevées en capitaux propres que d’autres institutions bancaires plus modestes. Si toutes ces mesures vont certes dans le bon sens et marquent une inflexion majeure en matière de dérèglementation financière, on regrettera cependant que le calendrier d’application de ces mesures s’étende jusqu’en 2019. Enfin, soulignons que la transposition opérationnelle des principes de Bâle III reste soumise à l’agrément des gouvernements.

Références

Cartapanis André, La crise financière et les politiques macroprudentielles : inflexion réglementaire ou nouveau paradigme ?, Conférence présidentielle, 59e Congrès de l’AFSE, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, 10 septembre 2010 : http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v25.
G20, The Seoul Summit Leader’s Declaration November 11-12, 2010:
http://media.seoulsummit.kr/contents/dlobo/E1._Seoul_Summit_Leaders_Declaration.pdf
Cartapanis André, « Les architectes de la crise financière », in : Josepha Laroche (Éd.) Un Monde en sursis, dérives financières, régulations politiques et exigences éthiques, Paris, L’Harmattan, 2010, coll. Chaos International, pp. 41-52.