Si l’émergence des États au sortir du Moyen Âge a progressivement conduit à une réduction des violences privées, le processus qui s’est alors mis en marche semble de nos jours enrayé. Ce tournant civilisationnel s’est traduit jusque-là par un refoulement de la pulsion de mort qui a pris la forme d’un monopole de l’État sur les guerres et d’une pacification diplomatique.
Mais il témoigne à présent d’un épuisement inquiétant. Cela tient à l’affaiblissement des acteurs étatiques, si discrédités et contestés qu’ils ne sont plus en mesure d’intervenir comme instances légitimes de régulation et de protection. Désormais, avec la mondialisation des violences non-étatiques et des communautarismes, les sociétés doivent faire face à la brutalisation du monde qui se caractérise notamment par des affrontements identitaires, une destruction du lien social et un affaiblissement des solidarités.
Conjuguant les apports de la psychanalyse, de l’histoire et de la sociologie, cet essai propose un cadre d’analyse qui rend compte des reconfigurations actuelles d’une scène mondiale traversée par les forces destructrices de la décivilisation.
Josepha Laroche est professeur au Département de Science politique de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne où elle est membre du Centre européen de sociologie et de science politique. Par ailleurs, elle anime Chaos International, un centre d’études et de recherches transnationalistes. Elle a notamment publié Les Prix Nobel. Sociologie d’une élite transnationale (2012), La Grande Guerre au cinéma (2014), et Les réalistes dans la théorie des conflits internationaux (2016).